Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

congrès, par le gouvernement direct dans les états particuliers et par le maire dans les villes. Les assemblées délibérantes ont eu une glorieuse carrière. Elles ont donné à l’histoire des peuples libres quelques-unes de leurs plus belles pages, aux annales de l’éloquence de magnifiques discours, et à la volonté nationale l’un des meilleurs moyens de limiter le pouvoir des souverains. Mais quand, comme aujourd’hui, la masse des affaires à traiter s’accroît démesurément et que les partis se multiplient et se scindent en groupes indisciplinés, elles deviennent incapables d’accomplir convenablement l’énorme besogne qui leur incombe. Elles ne trouvent même plus le temps d’examiner à fond le budget, ce qui est, en réalité, leur principale mission et celle pour laquelle elles ont été créées, dès lors, certaines réformes deviennent indispensables ; on commence à le reconnaître dans tous les pays constitutionnels, en Angleterre même, non moins qu’en France, en Italie et en Espagne.

Je ne puis indiquer ici en quelle mesure ce qui s’est fait aux États-Unis peut être appliqué en Europe. On arrive toutefois, semble-t-il, à deux conclusions : c’est que, premièrement, dans une société égalitaire, la nécessité d’une autorité forte et armée de nombreuses prérogatives se fait sentir plus encore que dans les états qui ont conservé la royauté ou une aristocratie ; secondement, c’est que le peuple, s’apercevant que les affaires publiques, les finances surtout, ne sont pas bien gérées, voudra en reprendre le contrôle d’une façon plus directe. Ira-t-on jusqu’à en appeler pour toutes les lois et toutes les dépenses au referendum, à la manière suisse ? J’en doute ; car bien des nations en Europe n’y sont pas suffisamment préparées. Mais il paraît probable que c’est dans cette voie que l’esprit de réforme se portera. Le système représentatif était inconnu aux républiques antiques et l’esprit de la démocratie lui paraît peu favorable, car, récemment, dans les États les plus démocratiques, il fait place, peu à peu, d’une part, au gouvernement populaire, et, d’autre part, aux droits accrus du pouvoir exécutif élu par le peuple.


EMILE DE LAVELEYE.