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POESIE

LE DERNIER DES MAOURYS


 

C’était un soir du monde austral océanique.
Écarlate, à demi baigné des flots dormans,
Le soleil flagellait de ses rayonnemens
Les longues houles d’or de la Mer-Pacifique.
 
Les lames, tour à tour, et près de s’assoupir,
A travers le corail des récifs séculaires,
S’en venaient, le marbrant de leurs écumes claires
S’éteindre sur le sable en un grave soupir.

Or, ce soir-là, tandis que, rose sur les cimes,
La lumière laissait la nuit, par bonds croissans,
Escalader les monts de versans en versans,
Sur le roc qui longeait la mer nous nous assîmes.

Le ciel, dans le silence et dans la majesté.
Planait sur le désert de l’océan paisible,
Et déjà la lueur de la lune invisible
Tremblait à l’orient vaguement argenté.

Osseux, le front strié de creuses rides noires.
Tatoué de la face à ses maigres genoux.
Le vieux Chef dilatait ses yeux jaunes sur nous.
Assis sur les jarrets, les paumes aux mâchoires.