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en sûreté, à peine les souverains, les princes, les diplomates sont-ils en voyage ou ont-ils fait leurs préparatifs, les vigies qui veillent partout se hâtent de signaler dans vingt journaux quelque nouveau nuage qui monte à l’Orient ou à l’Occident. Comme si ce n’était pas assez des difficultés trop réelles, des questions qui ne pourront être évitées, des crises qui auront fatalement leur heure, on se plaît à supposer des conflits, à grossir les incidens, à remuer l’opinion par un système d’agitations factices. Un jour, et l’histoire est d’hier, c’est de. Vienne que partent les nouvelles pessimistes, les bruits alarmans, à propos des Balkans ou des armemens russes ; un autre jour, c’est à Rome qu’on affecte l’inquiétude et le mystère, qu’on semble se mettre sur le qui-vive comme si l’on s’attendait à tout. Par extraordinaire, c’est de Berlin que viennent le moins aujourd’hui les nouvelles alarmantes. M. de Bismarck, qui, avec toute sa puissance, a peut-être assez de se défendre contre l’ascendant croissant du parti militaire, principalement représenté par le nouveau chef de l’état-major allemand, le comte Waldersée, M. de Bismarck laisse à ses alliés de Vienne et de Rome le soin de tenir l’opinion en éveil. Ce qu’il y a de caractéristique d’ailleurs, c’est que ces campagnes de bruits inquiétans, qu’elles partent de Vienne, de Rome ou de Berlin, n’ont le plus souvent d’autre objet que de couvrir des embarras ou des armemens. Elles ont coïncidé récemment à Vienne avec les délibérations des délégations à qui on avait à demander de nouveaux crédits militaires ; elles coïncident à Rome avec une précipitation à peine déguisée dans les armemens et les embarras que cause la recrudescence des agitations irrédentistes. C’est une tactique invariable dont le chancelier de Berlin a plus d’une fois lui-même donné l’exemple. C’est l’affaire de quelques jours. Puis ces bruits tombent et il n’en est ni plus ni moins. La fantasmagorie guerrière s’est pour le moment évanouie jusqu’à la prochaine occasion !

On en revient en attendant à des objets plus pacifiques, aux diversions de la saison. On s’occupe des voyages d’agrément de l’empereur Guillaume, qui, après avoir visité en touriste les côtes de la Norvège, se dispose à visiter l’Angleterre et sa grand’mère la reine Victoria. Évidemment le jeune empereur tient à se montrer avec un certain appareil de puissance sur les côtes britanniques. Il n’ira peut-être pas à Londres chercher des ovations ou assister à quelque gala de la cité : ce n’est pas jusqu’ici dans le programme. On ne lui refusera pas pour sûr le plaisir de passer une revue navale et de voir son escadre figurer auprès de l’escadre anglaise. Ce voyage, sans être menaçant pour la paix du monde, ne laissera peut-être pas d’offrir un spectacle curieux, surtout au moment où l’Allemagne et l’Angleterre, alliées pour le blocus de Zanzibar, ne semblent pas toujours parfaitement d’accord dans la pratique de l’alliance. On s’occupe aussi, pour cette saison d’été, du voyage de l’empereur d’Autriche qui tient à ne pas différer de rendre