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si pauvres qu’en puissent paraître les ornemens, cette salle emprunte de son histoire même, des traditions qu’elle perpétue et des souvenirs qu’elle évêque, une majesté dont nulle part, fût-ce en face des murs les plus beaux ou les plus riches, on ne saurait trouver l’équivalent.

Plus d’une fois, notamment sous le second empire, on a eu la pensée de déplacer l’Institut, pour lui donner, disait-on, une demeure plus digne de lui, en même temps qu’on exprimait l’intention d’augmenter le chiffre, resté invariable depuis l’origine, de l’indemnité allouée aux membres des diverses académies. Ce double projet heureusement n’a pas eu de suites, et il faut souhaiter qu’à aucune époque on ne soit tenté de le reprendre, parce que, en prétendant honorer davantage ceux qu’il intéresse, on courrait le risque en réalité de les amoindrir, eux et leur situation. La petite somme de quinze cents francs que chaque membre de l’Institut reçoit annuellement ne peut, aux yeux de personne, représenter rien de plus qu’une simple indemnité, et c’est en effet comme telle qu’elle est, et qu’elle a été de tout temps inscrite au budget de l’Institut. La grossir, ce serait, au moins en apparence, la convertir en traitement, par conséquent assimiler une dignité à une fonction et les hommes qui en sont revêtus à ceux que l’État rémunère pour des travaux accomplis par son ordre ; ce serait en un mot dénaturer le caractère tout honorifique, tout indépendant, tout désintéressé, que comporte le titre même de membre de l’Institut, et introduire une question de profit pécuniaire là où il ne saurait y avoir de place que pour les privilèges du talent. Le déplacement de l’Institut pourrait également, dans une certaine mesure, diminuer le prestige attaché à des coutumes déjà presque séculaires, et affaiblir auprès du public l’autorité de ces communications académiques auxquelles manqueraient, dans le lieu où elles seraient faites, les échos pour ainsi dire qu’elles éveillent si sûrement aujourd’hui. C’est dans ces murs où tant d’hommes illustres ou justement respectés se sont succédé depuis plus de quatre-vingts ans, où tant de voix éloquentes ont, chacune à leur tour, célébré le beau sous toutes ses formes, le bien à tous ses degrés, où beaucoup de ceux-là mêmes qui devaient un jour les décerner sont venus dans leur jeunesse recevoir les couronnes promises aux débit tans d’élite, — c’est dans ces murs imprégnés des souvenirs glorieux du passé que l’Institut de France est à sa vraie place et qu’il doit continuer de siéger, sous peine de compromettre quelque chose de sa signification historique et de son crédit extérieur.

L’honneur d’inaugurer cette salle maintenant si bien consacrée revint à la classe des beaux-arts. La première des six cent neuf séances publiques tenues jusqu’à ce jour dans l’ancienne église du