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ne demanderai pas à être rayé de cette liste ; mais comme il est aussi loin de mon cœur que de ma pensée de vouloir lutter contre un artiste respectable par son âge, ses vertus et son talent, je prie Messieurs les membres de la classe qui pourraient avoir l’intention de m’accorder leurs suffrages de les réunir sur le doyen des compositeurs français, afin qu’il soit élu comme il le mérite, c’est-à-dire à l’unanimité. »

Ce fut en effet par un vote unanime que les anciens confrères de Grétry lui donnèrent pour successeur Monsigny, alors âgé de quatre-vingt-quatre ans. Pour la dixième fois, depuis la réorganisation de l’Institut en 1803, la classe venait de pourvoir au remplacement d’un de ses membres[1] ; mais des neuf élections antérieures à celle de Monsigny, aucune n’avait eu lieu à la suite du décès d’un compositeur. Les vacances s’étaient produites : dans la section de peinture, par la mort de Vien et par la suppression, au profit de cette section, de la place qu’occupait Monvel dans la section de musique et de déclamation ; dans la section de sculpture, par les pertes qu’elle avait faites presque coup sûr coup de Julien et de Pajou, de Chaudet et de Moitte ; dans la section d’architecture, par la mort à quelques jours d’intervalle, au mois de janvier 1811, de Raymond et de Chalgrin ; enfin, dans la section de gravure, par celle du graveur en médailles Dumarest.

Tous ces artistes diversement considérables avaient plus ou moins emporté avec eux ce qui survivait encore de l’art et des traditions du XVIIIe siècle ; la plupart de ceux qui venaient de les remplacer, — Gérard, entre autres, Percier et Fontaine, Lemot et Cartellier, — représentaient au contraire l’école nouvelle, celle qui s’était formée sous la discipline même de David ou sous son influence indirecte, lui outre, à l’exemple du maître que son passé révolutionnaire n’avait pas empêché de devenir un des courtisans de l’empereur, mais sans avoir à se désavouer comme lui, presque tous avaient célébré dans leurs œuvres l’empire et ses gloires. Gérard devait surtout sa réputation au tableau qu’il avait peint de la Bataille d’Austerlitz et à ses portraits des membres de la famille impériale ; Percier et Fontaine avaient élevé l’arc-de-triomphe de la place du Carrousel et construit l’escalier du Musée Napoléon ; Lemot et Cartellier avaient exécuté sur les frontons du Louvre des compositions allégoriques en l’honneur du conquérant transformé, pour les besoins de la cause, en héros pacificateur ; d’autres sculpteurs de la quatrième classe quelques-uns des bas-reliefs qui

  1. Parmi les membres de la classe nommés en 1795 par arrêté du Directoire exécutif ou élus dans le cours de cette même année ou des années suivantes, quatre seulement étaient morts et avaient été remplacés avant 1803 : les architectes Pâris, Boullée, Antoine et l’acteur Molé.