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décoraient la colonne de la Grande-Année. En un mot, la classe des beaux-arts, telle qu’elle était composée vers la fin de l’empire, avait à la fois dans les doctrines et dans les coutumes plus d’homogénéité qu’au début. Au point de vue esthétique, David n’y comptait guère que des coreligionnaires ou des disciples : et quant au soldat couronné qui, depuis près de vingt ans, éblouissait la France de son génie et de sa gloire, c’était avec le même bon vouloir, au moins en apparence, que, à l’Institut comme ailleurs, on en subissait l’ascendant.

Cependant le moment était proche où l’autorité de ce souverain tout-puissant lasserait, en raison de ses excès mêmes, la confiance et la docilité publiques ; où celui qui se disait et que l’on croyait le chef d’une dynastie allait disparaître, sans laisser derrière lui rien de plus que l’éclat de son nom et le souvenir de sa prodigieuse fortune. Encore quelques mois, et Louis XVIII prenait possession du trône d’où Napoléon venait d’être précipité.

L’Institut, tant que dura le gouvernement de la première restauration, ne se ressentit qu’extérieurement pour ainsi dire de la révolution accomplie. Devenu « Institut royal » « d’Institut impérial » qu’il était, il en fut quitte d’abord pour ce changement de titre, un peu plus tard pour quelques modifications dans la tenue de ses séances solennelles, ou tout au moins pour le renouvellement partiel du public qu’il y avait convié jusque-là. Le jour par exemple où cet Éloge de Grétry dont nous parlions tout à l’heure fut lu, au mois d’octobre 1814, dans la séance annuelle de la classe des beaux-arts, ce n’étaient plus les ministres de l’empereur ou les princes de sa famille qui figuraient aux premiers rangs des auditeurs : ce jour-là le neveu du roi, le duc d’Angoulême, assistait à la séance, ou plutôt il la présidait, car ce fut lui qui, au lieu du président de la classe et par une dérogation aux usages dont l’histoire de l’Académie des beaux-arts ne devait pas d’ailleurs offrir un second exemple, couronna de sa main les lauréats[1]. Il serait sans doute assez superflu d’ajouter que dans la salle où cela se passait, la place occupée naguère par la statue de Napoléon était vide, et que dans le discours consacré à la mémoire de Grétry la nomenclature des œuvres du maître ne comprenait naturellement ni le Congrès des rois, ni la Rosière républicaine.


HENRI DELABORDE.

  1. Un de ceux-ci était Léopold Robert, encore graveur à cette époque, et qui, comme tel, avait remporté le second grand prix.