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Charles IX, François du Plessis l’accompagna. C’est ici que commence véritablement la carrière politique des Richelieu.

A peine rentré en France, Henri III nomma François du Plessis prévôt de son hôtel, puis grand-prévôt de France, en 1578. Il n’avait pas trente ans. Nous avons de nombreuses traces de l’activité avec laquelle il remplit ses fonctions. Henri III lui confia plus d’une mission importante et secrète. Il lui donna la plus haute marque de sa faveur en le faisant, chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, dans le chapitre tenu le 1er janvier 1585.

L’information sur la vie et les mœurs du nouveau chevalier est parvenue jusqu’à nous. Ceux qui furent appelés à déposer attestent que François de Richelieu est noble de bonne souche ; ils le dépeignent comme « un bon catholique, » — « un seigneur révéré et aimé de ses subjets et de tous autres pour le bon traitement et soulagement qu’il leur donne. « Il était peu instruit, « peu enrichi de lettres. » Maison louait son « clair et prompt esprit, » son « beau et fertile naturel. » Il se plaisait dans la conversation des hommes lettrés et tâchait de réparer ainsi les lacunes d’une éducation trop écourtée. Un sobriquet de cour nous ouvre une lumière sur son caractère : on l’appelait Tristan l’Hermite. En lui donnant ce surnom, on visait assurément ses fonctions de grand-prévôt, la faveur dont il jouissait auprès du roi ; mais aussi un côté particulièrement grave et sombre de son humeur.

Assuré de l’amitié d’un roi qui péchait plutôt par excès de bienveillance pour ses favoris, François du Plessis mérita sa fortune par une activité et un dévoûment sans bornes. Il était près du roi à la Journée des Barricades, et on dit qu’il protégea la retraite hors de Paris. Il ne prit point part à l’assassinat des Guises ; mais ce jour même, il arrêta, dans la salle des États, le président de Neuilly et les autres membres du Tiers, dont le roi crut devoir s’assurer.

En avril 1589, on le voit à Poitiers s’efforçant, avec le sieur de La Roche-Cléremrault, de maintenir cette ville dans le devoir. Les esprits échauffés contre les « Henrions » échappaient à toute discipline. Richelieu, après d’inutiles efforts, fut obligé de quitter Poitiers, dans des conditions assez piteuses. Il rejoignit Henri III et ne le quitta plus jusqu’au jour où ce prince mourut sous le poignard de Jacques Clément.

Le capitaine des gardes du roi, grand-prévôt de l’hôtel et du royaume, joua, comme on le pense, un rôle important dans cette journée du 1er août 1589. Il arrêta Jacques Clément et fit, une heure après l’assassinat, une information qui, contenant les dépositions