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à la nature. Ils ne se trompèrent point sur la portée de l’avertissement qui leur venait de la tribune. La Convention avait écouté le discours « dans le silence et la stupeur. » Elle en vota docilement l’impression. Couthon proposa l’envoi à toutes les communes, et rassemblée vota encore. Cependant, les victimes désignées se débattaient, ne voyant plus de retraite : « Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France, » déclare Cambon. Billaud-Varennes demande que le discours soit d’abord renvoyé aux comités incriminés afin qu’ils expliquent leur conduite. Punis rapporte qu’un jacobin lui a dit : « Je vous connais, vous êtes de la première fournée. » Vadier s’écrie : « Il est temps de dire la vérité tout entière : un seul homme paralysait la volonté de la Convention nationale ; cet homme, c’est celui qui vient de faire le discours, c’est Robespierre. » — « Quoi ! réplique Robespierre, on enverrait, mon discours à l’examen des membres que j’accuse. » — « Nommez ceux que vous accusez ! » répond Charlier. On crie : « Nommez-les ! Nommez-les ! » Robespierre hésite, déconcerté. : « Je déclare que je ne prends aucune part à ce qu’on pourra décider pour empêcher l’impression de mon discours. « Il craint, en nommant les gens, de coaliser contre lui ceux qu’il nommera. En ne nommant personne, il les menace tous et les réunit contre lui. Sur la motion de Bréard, le décret d’envoi du discours aux communes est rapporté. Robespierre prépare sa revanche. Il se rend aux Jacobins, où on l’acclame. Les hommes à poigne, Payan, Coffinhal, offrent d’enlever les comités qui ne sont pas gardés. Robespierre refuse, répugnant à ordonner les actes qui compromettent sans retour, tenant à son prestige de juste méconnu, comptant encore regagner la partie et tout changer par un discours. Son indécision naturelle, son amour-propre de rhéteur, sa foi en sa vertu, son incapacité d’agir, sa cautèle, le détournent des mesures mêmes de précaution : il y voit un danger, et craint de donner prise à ses accusateurs.


VI

Le 9 thermidor, — 27 juillet, — vers midi, la salle de la Convention se remplit peu à peu. On voit sortir de leurs bureaux des députés qui ne paraissaient plus aux séances. Ils se rassemblent sur les bancs du centre. Saint — Just dénonce un complot ourdi pour détruire le gouvernement révolutionnaire, proscrire une partie de la Convention et dominer l’autre par la terreur. Tallien et Billaud l’interrompent. Leurs amis les soutiennent. Saint-Just quitte la tribune. Alors Billaud retourne l’accusation contre Robespierre. On applaudit. La Convention se déclare en permanence jusqu’à ce que la lumière soit faite. Robespierre veut parler ; les montagnards,