Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/925

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pourquoi ne voudrais-tu pas de moi ? fit-il en enlaçant de son bras vigoureux la taille svelte de Zarka, est-ce que je te déplais ? te sens-tu incapable de m’aimer ?

Elle leva sur lui ses beaux yeux remplis de larmes, et, de sa jolie tête, fit signe que non.

— Alors, tu veux bien m’aimer ?

— Oui, car je t’aime déjà.

— Pourquoi donc ne veux-tu pas être ma femme ?

— Ce n’est, de ma part, ni mépris, ni dédain ; je n’ai aucun motif de te mépriser, et quelle est la jeune fille qui serait assez aveugle pour te dédaigner ? Ne m’oblige pas à te dire mon secret ; il ne pèse déjà que trop sur mon cœur.

— Est-ce que tu ne portes pas un nom honorable ?

— Hélas ! je n’ai rien fait pour ternir ce nom. Je suis une innocente victime de la folie des hommes.

— Eh bien ! répliqua l’inconnu avec hauteur, laisse-moi le soin de réparer le mal que l’on t’a l’ait, je saurai, moi, te faire respecter, toi et ton nom, et tu pourras relever fièrement la tête. Adieu ! bientôt tu auras de mes nouvelles.

— Adieu ! répondit-elle.

Elle fixa sur lui un regard ardent, puis, de ses mains hâlées, elle le saisit par les boucles noires de sa chevelure, non avec la douceur et les transports attendris d’une amante civilisée, mais avec l’emportement et la fureur d’une belle bête fauve de la souple race des félins quand elle s’élance sur sa proie. Elle pressa ses lèvres brûlantes sur celles du jeune homme et s’enfuit.

— Zarka ! cria-t-il en courant après elle.

— Que me veux-tu ?

— Donne-moi la bague que tu portes à ton doigt.

Elle s’arrêta et revint jusqu’à lui. Il retira lui-même la bague d’argent qu’elle portait, et la remplaça par une autre en or.

— Maintenant, tu es ma fiancée, lui murmura-t-il doucement à l’oreille.

Elle lui envoya un dernier regard plein de reconnaissance et d’ardente tendresse, et ils se séparèrent.

La première fois qu’elle le rencontra de nouveau, il venait de tuer un aigle. Ils allèrent s’asseoir côte à côte sur une pente douce, à l’ombre d’un gros pin qui s’élevait solitaire sur la hauteur, étreignant de ses puissantes racines les rochers éternels, et baignant ses branches d’un vert sombre dans la lumière dorée du soleil. Le jeune chasseur tenait la bergère entre ses bras, lui murmurant à l’oreille de douces paroles d’amour, tandis que le troupeau paissait paisiblement autour d’eux.