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en effet, une petite brochure, — petite par le nombre de pages, considérable par l’influence qu’elle devait exercer, — vint esquisser nettement le rôle et l’emploi de la cavalerie en liaison avec les autres armes[1]. La différence entre les deux services d’exploration et de sûreté, leur séparation absolue y étaient clairement affirmées. En même temps apparaissait l’idée féconde de la cohésion et de l’initiative, « l’une corollaire de l’autre, » — la cohésion qui concentre dans la main du chef la masse de ses forces et lui permet d’agir au moment propice ; l’initiative qui procède de la conscience même de cette concentration puissante, de l’audace qu’elle inspire.

Si les principes formulés dans cette remarquable étude n’ont pas trouvé dans nos règlemens le développement qu’ils comportent, cela tient sans doute à leur nouveauté et à leur hardiesse. L’indépendance n’est pas toujours acceptée comme un bienfait ! L’auteur lui-même semblait avoir prévu ce résultat lorsqu’il écrivait : « Il faut tenir compte de la nature humaine. L’initiative et le goût des responsabilités sont des qualités fort rares, et tel chef de cavalerie, laissé libre de s’adonner à l’opération délicate de l’exploration ou à celle plus facile d’assurer la sécurité, se contenterait de celle-ci pour négliger celle-là[2]. » On « se contenta de négliger » la brochure révélatrice. Mais, à l’étranger, le Projet d’instruction de 1879 rencontra une faveur plus grande. En Allemagne, le règlement sur le service en campagne s’inspira nettement des idées qui y étaient émises. D’ailleurs le fait prévaudra. Les armées marcheront, de part et d’autre, précédées de toute la cavalerie dont elles pourront disposer, soit qu’on leur attribue des divisions indépendantes, soit qu’obligées de se suffire à elles-mêmes, elles réunissent en un groupe unique leurs brigades de corps.

En résumé, dans la deuxième phase des opérations, comme dans la première, la concentration s’impose, et le combat des deux cavaleries devient une conséquence directe de leur emploi.


Mais voici l’acte synthétique et terminal du drame : LA BATAILLE. Deux grandes armées modernes, aux fronts et aux flancs démesurés, aux colonnes épaisses et profondes, sont en présence, sinon par la vue, du moins par le contact, — contact léger, superficiel encore, mais qui brusquement va devenir intime et définitif. Déjà les réseaux formés par leurs patrouilles se touchent et s’enlacent ;

  1. Projet d’instruction sur l’emploi de la cavalerie en liaison avec les autres armes, décembre 1879.
  2. Ibid.