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et cette morale, nous l’avons pratiquée. Ce n’était donc pas de cela qu’il convenait de prendre texte pour nous donner de dures leçons[1] ; car, en les invoquant, ces beaux-arts que nous avons respectés, cultivés et propagés, nous aurions le droit d’exercer à notre tour de sévères récriminations. En effet, pour éviter ce qui pourrait sembler nous être personnel, et nous réduisant à un seul fait, ce ne sont pas des Français qui ont arraché par lambeaux les sculptures de Phidias des monumens d’Athènes et mis en ruines les portiques des temples violés[2]. »

Un pareil langage et le retentissement qu’il eut dans le public n’étaient pas faits pour plaire au gouvernement du roi, encore moins aux représentans à Paris des puissances étrangères, à ceux de l’Angleterre en particulier. Aussi Lebreton ne tarda-t-il pas à porter la peine de sa patriotique hardiesse. Même avant le jour où, par l’ordonnance royale qui réorganisa l’Institut en 1816, il fut officiellement exclu des deux classes auxquelles il appartenait, il dut, au grand regret de ses confrères de la quatrième classe, abandonner ces fonctions de secrétaire perpétuel qu’il remplissait depuis près de treize années avec un zèle et une exactitude exemplaires, pour les céder à un membre de la section d’architecture, Dufourny, nommé secrétaire perpétuel par intérim. Trois ans plus tard (le 9 juin 1819), Lebreton succombait, âgé seulement de cinquante-neuf ans, à Rio-Janeiro où il était allé, en compagnie de Taunay et de quelques autres, essayer de fonder une colonie française de lettrés et d’artistes qui d’ailleurs ne réussit point et qui se dispersa immédiatement après sa mort.

L’inertie dans laquelle le gouvernement de la seconde Restauration avait cru devoir se réfugier, après ses velléités de résistance à des menaces sitôt et si complètement réalisées, n’était pas, au surplus, le seul grief que la classe des beaux-arts eût contre lui. Elle restait profondément blessée de la mesure qui, dès les premiers jours, avait réduit le nombre de ses membres et du fâcheux prétexte invoqué pour opérer cette réduction. Une lettre, en effet, datée du 2 août 1815 et signée du nom de M. Pasquier, ministre de la justice chargé provisoirement du portefeuille de l’intérieur, avait informé le président de la quatrième classe que, vu l’augmentation du chiffre des dépenses en proportion du nombre des

  1. Allusion à ces paroles de lord Wellington : « Il faut donner aux Français une grande leçon de moralité. »
  2. On sait l’acte de vandalisme commis au Parthénon par lord Elgin et les vains efforts tentés pour le justifier dans un ouvrage publié à Londres en 1811 sous ce titre : Antiquités grecques ou Notice et Mémoire des recherches faites par le comte d’Elgin.