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manière qu’il ne revienne que de quatre en quatre années. Elle pense qu’il faut établir une certaine proportion entre les encouragemens et les objets auxquels on les applique. Jusqu’ici, l’on avait cru qu’en portant exclusivement sur la peinture d’histoire, c’est-à-dire sur la peinture qui renferme en soi tous les genres, les encouragemens attribués étaient dans la mesure qui convenait ; qu’accorder des faveurs spéciales à chacun des genres secondaires, ce serait courir le risque de multiplier au de la des besoins de la société le nombre de ceux qui cultivent les arts ; qu’enfin, l’expérience ayant démontré que les plus grands maîtres dans l’ordre du paysage historique ont été aussi les plus grands peintres d’histoire, la peinture de paysage n’aurait besoin pour être exercée avec plus de succès que d’un supplément d’occasions : celle d’un prix tous les quatre ans serait pour elle un avantage suffisant. »

Les observations ainsi formulées par l’Académie et les restrictions qu’elles apportaient au projet primitif étaient au fond d’autant mieux justifiées que le genre de peinture auquel on accordait cette sorte de consécration officielle pouvait, en raison de ses conditions mêmes et de son caractère forcément artificiel, mériter de moins en moins la place qu’on lui assignait. Passe encore s’il se fût agi seulement de fonder un prix de « paysage, » sans épithète, et de fournir à de jeunes paysagistes les moyens d’aller en Italie perfectionner en face d’une nature admirable le talent dont ils auraient donné ici les premiers gages ; mais n’était-il pas au moins dangereux de limiter la tache de ces débutans à la pratique d’un art plutôt érudit que sincère ; d’exiger d’eux la majesté apprise et l’héroïsme bon gré mal gré dans le style, de préférence à l’expression ingénue de leur sentiment personnel ; en un mot de les condamner à remplacer, en matière d’interprétation de la nature, l’émotion directe par des calculs scientifiques, la vraisemblance par l’arrangement, et les franchises du langage pittoresque par la soumission absolue aux règles d’une étroite syntaxe ?

Objectera-t-on, pour les besoins de la cause, les glorieuses œuvres de Poussin ? Mais, sans parler des modèles que la campagne de Rome fournissait directement à Poussin, le paysage historique, tel qu’il l’a conçu et pratiqué, ne saurait être envisagé que comme un témoignage de plus des facultés particulières à ce grand maître, comme la continuation sous une autre forme de la méthode appliquée ailleurs par le peintre d’Endamidas et des coutumes de son mâle génie. Il n’y a là ni des exemples qu’il soit raisonnable de prétendre s’approprier, ni une tradition qu’on puisse perpétuer, à moins d’avoir soi-même l’organisation intellectuelle de Poussin. Aussi, depuis valenciennes et Bidault vers la fin du dernier siècle