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de Bethoven doivent être rectifiées. Lui-même, avec son indifférence pour les détails pratiques et son ignorance des chiffres, vécut jusqu’à la fin sans savoir exactement son âge.

La tournée n’ayant pas réussi, le père revint à sa première idée : son fils serait organiste. Malheureusement van der Eeden, après cinquante ans de service, dut abandonner son poste en 1781, trop tôt pour que l’on pût songer à le remplacer par son petit élève. La place du vieux Flamand fut prise par un compositeur de grand mérite, Chrétien Neefe, et c’est à ce nouveau maître que fut confiée la suite de l’éducation musicale de Beethoven.

Neefe était encoro jeune. Il était né en 1748, à Chemnitz, en. Saxe. D : abord chanteur, il avait étudié la composition auprès d’Adam Miller, auteur d’opéras alors très renommé. Il avait ensuite dirigé plusieurs orchestres de théâtre, et il était lui-même devenu une des notabilités musicales de l’Allemagne à l’époque où il arriva à Bonn. C’était de plus un excellent homme, plein de méfiance pour son talent propre, plein d’enthousiasme pour l’art. Son éducation littéraire était relativement soignée. Les correspondances qu’il envoyait au Cramer’si Magazin, un peu verbeuses, n’en sont pas moins pleines de sens et de jugement. Un tel professeur était l’homme qu’il fallait pour tirer parti du génie de Beethoven.

Tout de suite il se mit à l’aimer. Il lui donna pendant plusieurs années des leçons gratuites de piano, d’orgue, d’harmonie et de contrepoint. Dans les premiers mois de 1781, il le fit nommer organiste adjoint, charge modeste et point du tout rétribuée, mais qui constituait pour lui le stage d’essai requis alors à l’entrée de toute fonction officielle. La même année, il obtint de l’électeur, pour son élève, une pension de 150 florins ; il le fit nommer aussi pianiste-accompagnateur du théâtre. L’emploi était difficile et pénible : il fallait accompagner les acteurs pendant les répétitions, les diriger au besoin. Mais enfin c’était de l’argent, et le petit Louis avait hâte de pouvoir se rendre utile à ses parens. La situation de ceux-ci devenait de plus en plus précaire : le père avait perdu sa voix et n’était gardé dans la chapelle électorale que par faveur ; la mère, désespérée de la mort d’un fils, avait encore à se débattre parmi les plus grands embarras matériels. Le fils aîné eut la joie d’apporter dans sa famille un peu de repos et de bien-être. En vérité, ses journées étaient dures, plus dures encore que celles où il faisait trois heures d’exercices en revenant de l’école. L’orgue d’abord lui prenait beaucoup de temps : il fallait suivre les messes et vêpres, les saluts, et assister aux innombrables répétitions des chanteurs. Puis c’était le théâtre, où il fallait rester des