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ensemble de circonstances directement ou indirectement liées au phénomène glaciaire, que nous essaierons de résumer, en prenant pour guide M. Falsan.

Rien de plus multiple en soi que le phénomène, par les conséquences de toutes sortes qu’il a engendrées, et dont la revue, un peu complète, demanderait des volumes. Les effets matériels, c’est-à-dire les transports et accumulations de particules solides, n’ont pas eu moins d’importance que les effets d’influence provenant du climat local modifié, du régime et des conditions de milieu offerts aux animaux aussi bien qu’à l’homme. Les glaciers marchent, ils s’avancent, ils s’étendent et, comme des radeaux en mouvement, ils opèrent la transmission, à partir des plus hauts sommets jusque dans le fond des vallées, des plateaux, des plaines envahies par eux, de tous les blocs, de tous les débris rocheux, de tous les amas boueux ou détritiques mis à leur portée et soumis à leur action. On le sait de reste ; mais on ne l’a pas toujours su, et le livre de M. Falsan énumère les théories, analyse les recherches dont furent l’objet les déjections glaciaires, le lehm, les blocs erratiques et les amas morainiques, dont la vraie nature échappa si longtemps à la perspicacité même des hommes de génie, tels que Cuvier ; jusqu’au jour où. J. de Charpentier et L. Agassiz saisirent le lien entre le terrain erratique et les glaciers actuels.

L’ensemble de tous ces matériaux de transport a formé dans certaines régions, autrefois complètement envahies, une sorte de manteau répandu au loin et s’élevant à une hauteur déterminée. L’action et l’impulsion glaciaires une fois disparues, après le ravinement des eaux, une partie de ces élemens ont persisté sur le sol ; et, dans beaucoup de cas, ils sont assez puissans, assez nettement caractérisés, pour imprimer aux pays dont ils occupent la surface un aspect spécial, que M. Desor désignait sous le nom de « paysage morainique. » Le voyageur qui traverse l’Ecosse ou la Scandinavie, même en chemin de fer, et pour peu que son attention soit éveillée, découvre cette physionomie, et les anciennes moraines démantelées lui apparaissent comme les ruines encore debout de monumens dus aux seules forces de la nature, déployant toute son énergie, sans autre limite que celle des lois qui la gouvernent. Insouciante et brutale, elle marche écrasant la vie sur son passage, impuissante pourtant à l’anéantir, et celle-ci, à son tour triomphante, est venue reprendre possession de son premier domaine ; elle y règne de nouveau d’autant plus fraîche, d’autant plus gracieuse, que certaines plantes ne se développent et ne fleurissent nulle part mieux que sur le sol morainique, favorisées par le mélange de particules siliceuses qu’il renferme.

Mais ce sont les blocs erratiques, ces témoins irrécusables de