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part, ce refroidissement dut forcément augmenter, à partir du moment où les pôles donnèrent naissance à des courans toujours plus froids, entraînés au fond des mers par leur pesanteur relative[1]. C’est par l’effet de cette circulation, qui ne s’arrête jamais, que, même sous l’équateur, la température des profondeurs océaniques s’abaisse au-dessous même de zéro. On voit donc, en résumant tous ces traits, pourquoi la terre, après avoir eu originairement des ébauches de montagnes, aurait présenté graduellement des accidens orogéniques de plus en plus considérables, et en l’apport avec l’énergie des forces internes agissant pour rompre l’écorce ; jusqu’à ce qu’enfin, dans la dernière moitié du tertiaire, les causes réfrigérantes ci-dessus énoncées ayant accompli leurs effets, les plus grandes chaînes se seraient soulevées. De plus, elles auraient acquis, en se soulevant, le surexhaussement nécessaire pour rendre compte de l’extension glaciaire qui suivit et qui aurait persisté jusqu’au moment où l’ablation mécanique des roches les plus élevées aurait ramené les glaciers aux proportions, relativement restreintes, qu’ils ont sous nos yeux. D’autre part, et l’on aurait tort de négliger ce facteur, l’extension à un moment donné aura elle-même influé sur le climat des parties du globe où elle s’effectuait, en rendant ce climat plus humide, et cette humidité, augmentant la quantité de neiges des hauts sommets, aura contribué à accroître encore la masse des glaciers et à favoriser leur marche expansive. — Selon cette manière de voir, qui n’est autre que celle de M. Falsan, l’atténuation graduelle des phénomènes généraux, d’où était sortie l’extension des glaciers, aurait suffi pour réduire insensiblement ceux-ci à des proportions plus modestes ; mais le retour possible de la même cause, c’est-à-dire une nouvelle poussée interne, non pas brusque, si l’on veut, mais de nature à surexhausser les accidens de l’écorce terrestre et le relief continental, si l’on y joint une humidité convenable, ramènerait invinciblement une période semblable, par les apparences physiques qu’elle présenterait, à celle que l’homme enfant a certainement traversée, du moins en Europe ; car il n’est pas établi que le phénomène ait eu partout la même intensité, encore moins qu’en dehors des points de l’étendue continentale qui en étaient affectés, les autres régions du globe, à latitude égale, s’en soient véritablement ressenties au-delà d’un certain périmètre.


G. DE SAPORTA.

  1. Les courans d’eau tiède superficiels qui marchent du sud au nord et font sentir leur effet sur les côtes occidontales de notre continent ne sont que la contre-partie des courans froids et profonds qui remontent à la surface, en se réchauffant, entre les tropiques, constituant ainsi une circulation complète et régulière des pôles vers l’équateur et de celui-ci vers les pôles.