Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/848

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplace l’autochtone disparu, et où le métis va pulluler. Il en faut pour la grande république des États-Unis, où 5 millions d’Africains défrichent les plantations du Sud, récoltent le coton et le café, roulent la canne à sucre.

Et il en sera ainsi, pendant trois siècles et demi, jusqu’au 2 avril 1865, où, dans Richmond occupée par le général Grant, le dernier esclave sera libre dans l’Amérique du Nord ; jusqu’au 13 mai 1888, où l’héritière du trône du Brésil, Isabel la Rédemptrice, proclamera l’affranchissement des derniers esclaves de l’Amérique du Sud.

Mélange de races, couches humaines superposées. Au-dessous du colon d’aujourd’hui on retrouve le nègre esclave, les Peaux-Rouges, l’Indien autochtone, l’Inca, l’Aztèque, puis leurs ancêtres, los Antiguos, dont les légendes perdues nous révéleraient, avant eux, d’autres agglomérations ignorées. Mélange d’Indiens, d’Asiatiques, de Malais, de Hollandais, d’Anglais, d’Espagnols, de Français, d’Italiens, de Portugais et d’Allemands ; vaste creuset où sont venues se fondre et se confondre des populations diverses d’origine et de couleur pour former un peuple nouveau, conservant l’ineffaçable empreinte des races conquérantes et supérieures : de la France au Canada et dans la Louisiane : de l’Angleterre dans l’Amérique du Nord ; de l’Espagne, du Rio-Grande au cap Horn ; cette dernière, de beaucoup la plus profonde et la plus étendue.

Entre les mains de l’Europe, qui l’a découvert il y a près de quatre cents ans, qu’est devenu ce continent ? Quatre siècles sont peu de chose dans la vie de l’humanité, mais ici les événemens ont marché vite ; ni longs efforts pour arracher une population autochtone à sa barbarie native, ni lents tâtonnemens pour lui faire franchir les étapes successives dans la voie du progrès, mais une colonisation comme le monde n’en avait pas encore vu ; un continent civilisé déversant sur un continent nouveau le surplus de sa population ; tous deux marchant du même pas vers le même but, par les mêmes moyens ; l’Europe transplantée en Amérique avec ses traditions, ses idées, ses croyances et ses moyens d’action, l’une à l’autre reliées par la vapeur et l’électricité à travers l’Océan soumis.

L’exposition des deux Amériques répond à cette question.


II

Elle y répond triomphalement ; et, dans ce défilé d’états dont l’aîné vient de célébrer le premier centenaire de son