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Riche, il l’est : en bois de teinture et d’ébénisterie, en café et en cacao, en forêts aux essences variées. Rien ne donne mieux une idée de son exubérante végétation que ce tronc de liane jeté comme un pont aérien au travers du pavillon. Au long de ce câble, qui mesurait 2 kilomètres 1/2 de longueur et qui compte quinze siècles d’existence, des singes suspendus, au grimaçant rictus, semblent se livrer à leurs exercices d’acrobates. Dans une vitrine voisine, des oiseaux étalent leur splendide plumage, coloré par le soleil, et de larges papillons déploient leurs ailes nacrées d’un bleu pâle, idéal et céleste.

Près du colossal palais du Mexique, détachant, sur ses lourdes et massives murailles, son élégante façade ajourée, sculptée, légère, d’une marmoréenne blancheur, le pavillon du Venezuela charme et réjouit l’u-il par son aspect pittoresque, par son air de jeunesse, par ses formes sveltes et élancées. Entre cette construction, d’une architecture originale et vive, et ce pays riant, au nom sonore et doux comme une caresse, aux côtes verdoyantes baignées par la mer des Antilles, inondées par le beau soleil des tropiques, l’harmonie latente se révèle aux yeux. On y pénètre par une porte empruntée à la cathédrale de Caracas ; les fenêtres étroites, coquettes de formes et de détails, tamisent la lumière. Elle vient de haut, éclairant la salle centrale, reléguant les travées dans un vaporeux demi-jour. Dans le péristyle s’étalent les balles de tabac, les produits pharmaceutiques, le café, la soie, le cacao, dont le Venezuela exporte 120,000 balles à l’année.

Au centre du pavillon une élégante pyramide de bois du pays : bois d’ébénisterie et de teinture, aux reflets orange, vert, gris foncé, brun, rouge, mêlent leurs notes sombres et claires ; au long des murs, les grès aurifères, les marbres, au-dessus desquels se balancent les aériens hamacs, puis le plan du port de la Guaïra et, dans une salle spéciale, la haute et jaune pyramide de la mine de Callao, qui, de 1871 à 1888, a produit ce massif d’or de 120 millions.

Pays chaud, mais sain, d’extraordinaire longévité, où l’on compte plus de centenaires qu’en aucun autre, — un par 10,486 habitans, alors qu’en Italie et en Espagne, les pays les plus favorisés sous ce rapport en Europe, on n’en relève qu’un par 66,669, et en France, un par 190,015 habitans, — le Venezuela est partagé en trois zones distinctes : zone agricole, zone de pâturages et zone de forêts. Réunies, elles occupent une superficie de 1,539,000 kilomètres carrés et pourraient nourrir et enrichir une population décuple de celle qui l’habite et qui atteint un peu plus de 2 millions. Ces 2 millions de consommateurs et de producteurs importent, chaque année, pour une valeur de 62 millions de francs et