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salubre que fertile. L’avenir leur donnera raison ; le temps aura vite fait de réparer les maux que ses ennemis et ses fautes ont infligés au Paraguay, de repeupler ses campagnes et de mettre en valeur ses richesses.

Dans un écusson que surmonte un soleil levant, la République de l’Uruguay étale, à l’entrée de son pavillon, ses armes parlantes : sur champ d’azur, la balance de la justice, un bœuf symbole d’abondance ; sur champ d’argent, la citadelle de Montevideo, emblème de force, un cheval en plaine, symbole de liberté. Au long de l’Atlantique et du Rio de la Plata, cette mer d’eau douce, comme l’appelait Juan Diaz de Solis qui, le premier, en remonta le cours, et que Magellan, cherchant à se frayer un passage à travers l’interminable continent, prit pour un détroit, trompé par cette embouchure de quarante lieues de largeur, l’Uruguay déroule ses plaines fertiles qu’accidentent de nombreuses collines. Les hautes montagnes y sont inconnues ; de riches pâturages tapissent les versans des coteaux, les taillis touffus bordent les rivières qui serpentent entre les vallons. Pays du soleil et des fleurs, d’herbages et de troupeaux, de fruits de toutes les zones, l’Uruguay possède une température douce et saine qui oscille entre les deux moyennes de + 11 et + 21 degrés centigrades. Climat sec et beau, où l’on relève, par année, une moyenne de 244 jours clairs, 85 de ciel couvert et 36 de pluie, où les nombreux cours d’eau entretiennent la fraîcheur et suppléent à la rareté des ondées, l’élevage du bétail et la culture des céréales y font de rapides progrès.

En 1852, l’Uruguay possédait 1,800,000 têtes de bétail, 3,632,000 en 1862, 6,255,000 en 1886. Tributaire, il y a vingt ans à peine, du Chili et des États-Unis, pour le blé nécessaire à la consommation de 230,000 habitans, il pourvoit aujourd’hui aux besoins d’une population qui a triplé dans ce court espace de temps et dépasse 700,000, et exporte en outre pour cinq millions de francs de céréales. Pendant la même période, son commerce, à l’importation et à l’exportation, a suivi une progression analogue : de 70 millions de francs, il s’est élevé à près de 250 millions, et la France figure au second rang, après l’Angleterre, dans ce mouvement d’échanges.

A l’embouchure de la mer d’eau douce, à laquelle les richesses minières du sol qu’elle arrose, autant que les lingots d’argent que Sébastien Cabot rapporta à Henry VIII d’Angleterre, firent donner le nom de Rio de la Plata (fleuve d’argent), Montevideo, capitale de la république, siège du gouvernement, peuplée de 134,000 habitans, étale, sur son vaste plateau rocheux, ses rues tirées au cordeau, ses seize cents quadres dont l’aspect uniforme réjouirait