Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques-uns des oracles du moment, que tout le problème consisterait à bien ménager et calfeutrer cette majorité précieuse qu’on vient de retrouver, à s’établir commodément au pouvoir entre républicains, et que pour cela, il n’y aurait qu’à éviter tout ce qui peut diviser et irriter, à occuper la chambre d’affaires, par exemple, du système monétaire et du monopole des allumettes. — Ce sera certainement de la prudence d’éviter les débats irritans, de prévenir les turbulences, même de s’occuper d’une organisation mieux entendue du travail parlementaire, — sans négliger les allumettes ; mais cela ne résout rien, et il faudrait prendre garde, après avoir compromis la république par les agitations, de ne pas la compromettre par l’impuissance. Les dernières élections n’ont aucun sens, ou elles expriment le désir, le besoin de retrouver un gouvernement résolu, non à continuer une domination de parti ou de coterie, mais à reprendre une œuvre nécessaire de pacification morale, de reconstitution financière pour le bien et l’honneur de la France. C’est là toute la question, — le porro unum necessarium du jour !

Les affaires de l’Europe sont certes plus que jamais pleines de complications, de mystères et de diversités infinies. Elles ont de plus, à l’heure qu’il est et depuis quelque temps, un chapitre toujours ouvert : c’est le chapitre des voyages princiers, des visites royales ou impériales, qui ne sont souvent qu’une manière de déguiser les secrets de la politique. Jamais à coup sûr les souverains n’ont autant voyagé et ne se sont autant visités. L’empereur Guillaume II, pour sa part, a un chapitre qui menace de devenir toute une histoire. Il a le goût des voyages ; il est toujours en mouvement, allant du nord au sud, de l’occident à l’orient, rendant ou recevant tour à tour des visites, promenant son infatigable jeunesse dans les pays d’empire ou dans les pays de l’alliance dont il est le chef. Aujourd’hui, avant de reprendre sa course, avant de partir pour Athènes, où il va marier sa sœur avec le prince héréditaire de Grèce, et pour Constantinople où il va voir le sultan et la Corne d’or, il s’est arrêté un instant à Berlin pour recevoir cette visite toujours attendue, sans cesse ajournée, de l’empereur Alexandre III de Russie. Maintenant c’est fait et accompli. Le tsar en quittant Copenhague, avant de rentrer dans son empire, a passé par Berlin ; il en est même déjà reparti après un séjour de quarante-huit heures. C’est une visite de plus à inscrire dans l’histoire des voyages et des entrevues des souverains !

À voir les choses simplement, telles qu’elles apparaissent, on ne peut pas dire sans doute que l’empereur Alexandre ait mis un empressement sensible à revoir Berlin. Il n’a pas, autant que son jeune et impérial cousin d’Allemagne, l’humeur voyageuse, — à moins que ce ne soit pour aller en Danemark, dans la famille hospitalière de la brillante tsarine. Il a pris son temps. Il y a plus d’un an déjà qu’il a reçu