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et de pamphlets. C’est un moyen de gagner un peu d’argent, c’est aussi un moyen d’être compté par le pouvoir, de lui faire sentir le poids de son influence et d’obtenir de lui quelque faveur en échange. Déclassé et décrié, Mirabeau entend forcer la société à le reconnaître comme une puissance, lui imposer l’ascendant d’une popularité grandissante. Il aborde ainsi les questions à la mode, il parle de finances, de politique, de diplomatie avec une imperturbable assurance. D’habiles collaborateurs, le banquier suisse Panchaud, Clavière, Dumont de Genève, lui préparent des matériaux, quelquefois même des parties d’ouvrage complètement rédigées ; il les retouche, il y met le trait et le vernis, pour employer ses expressions favorites, et il monde la France de publications fréquemment composées par d’autres, mais toujours signées du nom sonore de Mirabeau. Il prend à partie tantôt M. de Calonne, tantôt M. Necker, il engage même avec Beaumarchais un duel de plume d’où il ne sort pas à son honneur. Il serait difficile de distinguer aujourd’hui la part de travail personnel qui lui appartient dans chacune de ces œuvres. Elles sont à la fois trop éphémères et trop collectives pour ajouter quelque chose à sa gloire. Elles indiquent seulement la prodigieuse activité de son esprit et le besoin qu’il a de faire parler de lui. Il poursuit avec passion la célébrité, et, il l’atteint. Dès 1787 il peut se flatter en écrivant à Mme de Nehra qu’il n’y ait pas « un salon, un boudoir, une borne qui ne retentisse du nom de Mirabeau. » Vienne maintenant la convocation des états-généraux, il sera résolu et tout prêt à y jouer son rôle. Dans ce premier volume, M. Charles de Loménie nous conduit jusqu’à la veille de la révolution ; il abordera enfin les années glorieuses de la vie de Mirabeau dans un second volume, qui est terminé, qu’il soumet en ce moment à un dernier travail de révision et que nous lui demandons de ne pas nous faire attendre trop longtemps[1].


A. MÉZIÈRES.

  1. Nous adressons cet appel à M. Charles de Loménie avec d’autant plus d’insistance que M. Rousse prépare, depuis quelque temps déjà, pour prendre place dans la collection des grands écrivains français de la maison Hachette, une étude sur Mirabeau. Cet important travail ne pourra évidemment pas être terminé tant que M. Charles de Loménie n’aura pas lui-même fait usage des documens inédits qu’il a entre les mains.