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sif dans les laïcisations, dans le régime des écoles ou dans la loi militaire. Et du coup M. Ribot lui-même, en sa qualité de modéré, n’a trouvé rien de mieux que de passer au camp des radicaux pour s’élever avec eux contre toute alliance avec les conservateurs, contre toute concession à la réaction !

Évidemment, une fraction des républicains s’est sentie atteinte par cette simple apparition d’une politique modérée. On dirait, en vérité, qu’opportunistes et radicaux n’ont rien appris ni rien oublié, qu’ils n’ont rien vu dans le scrutin de septembre, et qu’à peine remis de l’émotion des dernières luttes ils ne songent qu’à reprendre une expérience qui a si bien réussi. Il en est peut-être, il est vrai, qui ne se font faute de parler de tolérance, de conciliation, d’apaisement, qui ne refuseraient pas, à l’occasion, le vote des conservateurs. A la rigueur, on ne repousse pas les conservateurs. Qu’ils entrent dans la république, la porte leur est ouverte ! Seulement il est entendu qu’ils n’ont rien à réclamer, qu’ils n’ont aucune condition à faire. On ne traite pas avec eux, on recevra leur soumission, et au besoin on les traitera encore après en ennemis, ou tout au moins en amis suspects. C’est la tradition ! Ces républicains sont de plaisans politiques. Ils nous rappellent toujours une circulaire naïve de M. de Persigny démontrant que l’empire était le plus tolérant et le plus large des gouvernemens, qu’il ne demandait pas mieux que d’accorder toutes les libertés et d’accueillir tout le monde, — à condition que tout le monde commençât par se soumettre et qu’il n’y eût plus d’anciens partis. Les anciens partis, ce sont les conservateurs d’aujourd’hui : on les admettra pourvu qu’ils cessent d’exister ! Seulement les républicains ne s’aperçoivent pas que les situations ne sont pas les mêmes. Ils ne voient pas que ces conservateurs, qui ne sont qu’une minorité dans le parlement, avec lesquels ils affectent de ne pas vouloir traiter, sont, dans le pays, au nombre de trois millions de Français, qui, après tout, ne sont pas tous des ennemis, et que cette masse conservatrice a le droit de faire ses conditions, de réclamer une politique qui respecte ses vœux, ses sentimens, ses croyances, ses intérêts. C’est là toute la question entre M. Léon Say et les républicains qui le poursuivent de leurs violences ou de leurs sarcasmes. M. Léon Say et ceux qui soutiennent avec lui la nécessité d’une politique modérée veulent qu’on tienne compte des manifestations évidentes du pays, des sentimens et des intérêts d’une minorité puissante sous un régime qui est, en définitive, le gouvernement de tout le monde. Les opportunistes et les radicaux, provisoirement coalisés encore une fois, semblent n’avoir d’autre idée que de profiter des élections dernières pour recommencer leurs exclusions et leurs concentrations, pour prolonger une domination de parti, pour jouer, si l’on veut, le même air, en essayant tout au plus de le jouer mieux.

Que sortira-t-il définitivement de tout ceci ? Quel est le système qui