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richsruhe, sans doute pour remettre au point, comme on dit, la politique de l’Allemagne et de l’Autriche, les affaires de la triple alliance. Au demeurant, en est-on plus avancé ? Que sait-on de plus sur la visite de l’empereur Alexandre à Berlin, sur les résultats de l’entrevue, de la conférence de M. de Bismarck avec le tsar ? C’est toujours la question qui se débat entre les médecins Tant pis et les médecins Tant mieux de l’Europe, entre ceux qui veulent voir toute sorte de combinaisons et de mystères dans la conversation d’un diplomate avec un souverain, et les sceptiques, à demi optimistes, assez disposés à ne point croire aux mauvais présages. En réalité, on pourrait peut-être soupçonner que la visite du tsar à Berlin et les explications de M. de Bismarck, sans avoir changé sensiblement la situation, ont pu dissiper quelques ombrages, adoucir quelques aspérités et donner quelques chances de plus à la paix, au moins à la paix du moment. Ce serait un effort nouveau pour prolonger la trêve en Orient comme dans l’Occident. Seulement quel serait le prix de cette trêve ? Comment M. de Bismarck aurait-il réussi à rassurer l’empereur Alexandre sur les intentions de la triple alliance, sur ce travail qui tend à enlacer l’Europe dans une coalition formidable, sur les affaires des Balkans, de la Bulgarie et de la Serbie ? Le comte Kalnoky va sans doute avoir l’occasion d’être fixé à Friedrichsruhe ; il pourra savoir ce qui s’est passé réellement à Berlin dans l’entrevue du chancelier avec le tsar, si on s’est entendu à demi ou si l’on ne s’est pas entendu du tout, si l’Autriche n’aurait pas été appelée, par hasard, à payer les frais d’un accord de circonstance, s’il n’y aurait pas eu des concessions dans les affaires d’Orient, en Bulgarie. On semble, pour le moment, n’être plus trop sûr de rien à Vienne et soupçonner que, par des calculs probablement profonds, il pourrait y avoir eu des gages donnés ou promis, ne fût-ce que pour neutraliser aussi longtemps que possible la Russie.

Ce qu’il y a de sensible, c’est que, si rien n’est changé dans le fond depuis le passage du tsar à Berlin, il y a au moins tous les signes, toutes les apparences d’une politique d’expectative et de suspension. On ne veut rien pousser à bout, on s’enveloppe d’une savante stratégie nécessitée sans doute par les circonstances, par l’état général de l’Europe. Le mot d’ordre est donné, et le discours lu tout récemment au nom de Guillaume II à l’ouverture du Reichstag à Berlin ne se Rome pas seulement à déclarer que les espérances pacifiques manifestées il y a un an par l’empereur se sont réalisées ; il ajoute avec une confiante assurance que toutes les relations permettent de croire au maintien de la paix de l’Europe durant l’année prochaine. Si ce n’est qu’un langage officiel, il prouve du moins qu’on a jugé utile pour le moment de renouveler cette déclaration pacifique. D’un autre côté, on commence à moins parler de la signification et des conséquences possibles du voyage de l’empereur Guillaume à Constantinople. Un instant on aurait dit que