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pour rédiger, sous les yeux des commandans autrichiens, des libelles diffamatoires destinés à être répandus en Europe, contre la France, son souverain, ses ministres et ses généraux. Le pauvre homme, tout effrayé, jurait qu’il n’avait rien écrit que sur des notes transmises et des ordres donnés par ses supérieurs, au nombre desquels il comptait Cumberland et Waldeck eux-mêmes. Maurice fit constater judiciairement sa déposition, après quoi il lui donna son congé. Il n’était pas lâché, laissait-il entendre, de faire voir, à son tour, à quels expédiens des princes et des généraux ne dédaignaient pas d’avoir recours, et à quels ennemis la France-avait à faire. Le seul qu’il exceptait de cette réprobation commune, c’était le comte de Kaunitz lui-même, chez qui, une fois la capitulation faite, et dans tous les débats qui suivirent pour en régler l’exécution, il se louait de n’avoir rencontré que des procédés pleins de loyauté et même d’aménité. — « M. de Kaunitz, écrivait-il, m’est venu voir et m’a demandé une quantité de passe-ports… C’est un homme très sage, très aimable et très habile, ou je suis bien trompé ; il m’a paru dans le dessein de ne plus servir à cause de sa santé qui est délicate : je voudrais qu’on nous l’envoyât en France, vous en seriez content, car sûrement il plaira à tout le monde. » — Quand on songe que ce vœu, quelques années plus tard, était accompli, et qu’on se rappelle quel parti le même Kaunitz sut tirer de ses relations à Paris, pendant le séjour qu’il y fit comme ambassadeur, ce jugement paraît d’une perspicacité vraiment prophétique[1].

Cinquante-deux drapeaux pris sur l’ennemi avaient été envoyés sur-le-champ, à Paris, pour être portés à Notre-Dame, où un Te Deum devait y être chanté : et on ne savait, dit Barbier, quasi où les placer ; mais au nombre des trophées militaires si glorieusement conquis, il en était un dont Maurice avait voulu faire un hommage au roi, encore plus solennel : c’était l’oriflamme de François Ier, trouvé dans une des salles d’armes de Bruxelles, auquel étaient joints deux étendards du corps des gendarmes et des gardes du corps, pris en même temps à Pavie. — « J’ai fait retirer ces trois pièces, ’écrit-dl, le 2 mars, et si vous l’avez pour agréable, je me propose de vous les faire porter. » — « le roi n’a pas cru, répond le comte d’Argenson, qu’il fût convenable que les deux étendards de la maison du roi et l’oriflamme de François Ier, qui se sont trouvés dans la salle d’armes de Bruxelles, fussent ; rapportés

  1. Maurice au comte d’Argenson, p. 26-27 février 1746. — (Ministère de la guerre, — et Corretpondance, t. II, p. 142. — Saint-René Taillandier, p. 291. — D’Espagnac, t. II, p. 143 et 144.)