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avant tout, dans le choix du haut personnel, de l’effet que pouvait produire sur leurs amis politiques telle ou toile nomination ? Quelques-uns furent à ce point même entraînés, qu’ils ne durent leur portefeuille qu’à l’étrange condition d’élever tel général ou d’abaisser tel autre sans qu’aucun motif d’ordre militaire pût être invoqué. Chez les puissances militaires voisines, il suffit, pour se distinguer, de faire preuve de capacité et de talent, ici il faut encore produire un mérite originel et nouveau : il faut plaire. Ce n’est pas seulement un aréopage militaire qui juge ; il s’y joint un tribunal politique, assisté de reporters différens. Suivant leurs sympathies ou leurs opinions, ces membres anonymes d’une commission occulte s’appliquent à faire ou à de faire les réputations. Là est le mal profond, latent, en général ignoré, connu seulement de ceux qui en souffrent. Et si une réaction salutaire semble se produire, souhaitons qu’elle s’achève vite. Il est temps d’en finir avec des erremens dont on n’a que trop toléré les troublantes manifestations.


L’organisation du commandement ne doit prendre pour base que la valeur militaire démontrée ; c’est la première et la plus solide garantie. À ce point de vue, les grandes manœuvres spéciales doivent jouer un rôle décisif. Quand, après une année d’instruction, des brigades sont réunies en divisions, et ces dernières même concentrées, ce n’est plus seulement pour disserter sur des alignemens ou des allures, pour vérifier l’exactitude de l’épure ou de la formule. Ceci, c’est la partie mécanique des manœuvres ; c’est l’évolution. Il s’agit surtout d’apprécier l’habile tactique, le tempérament, le caractère, le coup d’œil et l’esprit de décision, de juger enfin de cet ensemble de qualités qui constituent l’aptitude au commandement. Cela, c’est le côté moral, le plus important.

Dans la cavalerie surtout, — arme délicate et coûteuse, — il est nécessaire d’entretenir une pépinière de chefs ardens et jeunes, — jeunes, non pas tant par leur acte de naissance que par leur vigueur physique, leur ressort intellectuel, leur énergie morale. On ne le pourra qu’au prix d’une soigneuse sélection.

Cependant nos institutions sont ainsi faites qu’elles permettent difficilement d’élever les hommes de valeur en écartant les incapables ou les impotens. Le manque de retraite proportionnelle ferme à ces derniers une porte honorable de sortie. On est donc fatalement réduit à un surcroît de rigueur ou à un excès de bienveillance. L’un ou l’autre l’emportent, suivant les tempéramens. Et cette sélection nécessaire, loin de découler uniformément de règles rationnelles et fixes, dépend le plus souvent du caractère variable de ceux qui ont charge de l’exercer. La cavalerie a contemplé ces