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étroitement attachés — avec une persévérance et un esprit de suite vraiment remarquables — à consolider et à améliorer leurs institutions militaires, aucun de leurs faits et gestes ne doit nous laisser indifférens. Un mouvement de leur part détermine un mouvement de la nôtre, tout comme une attaque appelle une parade. Aussi l’organisation de leur cavalerie a pu servir, en apparence, à justifier celle de la nôtre. La cavalerie allemande est bien, en effet, répartie sur l’ensemble du territoire, et la plupart de ses régimens sont rattachés administrativement aux divisions d’infanterie. Mais cette distribution, purement territoriale et administrative, pour défectueuse qu’elle soit, n’entraîne pas du moins une division correspondante dans l’éducation et l’emploi. Il n’y a pas, comme en France, deux espèces distinctes de cavalerie. Tous les régimens sont imbus du même esprit et reçoivent la même éducation ; tous participent à l’unité d’instruction et de doctrine. La notion de notre infériorité, sous ce rapport, n’a pas échappé à la presse allemande, toujours en éveil. Dès le mois de septembre 1885, la Gazette de Cologne émettait cette appréciation qui résume assez nettement les inconvéniens de notre système : « La réunion de douze régimens, au camp de Châlons, paraît trop mesquine ; car, en n’exerçant pas annuellement une plus forte fraction, six années seront encore nécessaires à la cavalerie française pour la mettre en état de concourir intelligemment à l’œuvre de la revanche. » Quelle qu’en soit la provenance, le conseil est d’autant plus à méditer qu’en ce moment même les Allemands préparent la constitution permanente de deux nouvelles divisions de cavalerie en Silésie et en Alsace. Tous leurs régimens, d’ailleurs, sont exercés, d’après des méthodes uniformes, au même rôle et au même emploi.

C’est que bien avant nous, et plus méthodiquement, la cavalerie prussienne avait parcouru la série des études et des expériences. Ayant traversé les mêmes incertitudes, elle était arrivée aux mêmes conclusions.

Un ouvrage documentaire, — remarquable recueil où sont enregistrés les efforts et les progrès de l’arme (l’Histoire de la cavalerie prussienne de 1806 à 1876), — permet de suivre, pas à pas, cette lente évolution. Les premières manœuvres de masses datent de 1843. Le maréchal Wrangel, le plus renommé parmi les généraux de cavalerie de l’époque, en eut la direction. Il conclut « à l’impuissance des corps de cavalerie non exercés aux manœuvres d’ensemble. » L’expérience, plusieurs fois renouvelée, confirma son opinion : « Il me paraît indispensable, écrivait-il, de former des corps de cavalerie dès le temps de paix et de les exercer tous les ans[1]. »

  1. Opinion du général Wrangel sur le développement et l’emploi de la cavalerie prussienne, 1851.