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en attribuant une indemnité au mandat parlementaire… « Mais vous allez naturaliser en Angleterre les politiciens de profession ? — Hé bien, pourquoi pas ? Pourquoi la politique serait-elle abandonnée à : ceux qui en font une distraction et une distinction, aux simples amateurs ?… »

Est-ce tout ? Non, ce n’est rien encore. Ici se dresse la question sociale, la question de la misère. D’abord que de réformes réclamées par les libéraux et même par plus d’un conservateur ! En premier lieu, l’impôt. Combien d’anomalies dans la répartition des taxes de consommation ! Lord Randolph Churchill l’a signalé comme M. Chamberlain, le tabac du pauvre homme paie 1,400 pour cent, les cigares du riche six ou sept. Avant tout, considérez de quel poids pèse l’impôt direct sur les familles des travailleurs. D’après les calculs du professeur Leone Levi, les classes riches et les classes moyennes paient six et demi pour cent de leur revenu, les classes pauvres sept et demi. Mais si, avec l’économiste Giffin, on retranche du revenu des prolétaires les 12 livres sterling (300 francs) nécessaires à la vie de chaque individu, la moyenne se relève à 13 1/2. Ce qu’il faut établir, ce n’est pas l’égalité d’impôts, mais l’égalité de sacrifices entre tous les citoyens. Or il n’y a qu’un système qui puisse l’assurer, c’est l’impôt progressif et proportionnel sur le revenu.

Les vieilles lois qui régissent la propriété foncière doivent être successivement remaniées, en commençant par les abus les plus crians et par les réformes partielles. Les propriétaires de redevances emphytéotiques doivent être soumis à l’impôt ; les artifices légaux qui permettent d’éluder la loi générale des successions doivent être déjoués. Le droit de substitution doit disparaître non seulement, comme le demande lord Randolph-Churchill, dans le cas des existences à venir, mais dans tous les cas. Le droit de primogéniture doit être aboli, lorsqu’il y a absence de testament. Le transfert de la terre sera simplifié, rendu à la fois plus facile et moins coûteux. Les lois sur la chasse seront sévèrement révisées, dans un esprit opposé à celui qui les a inspirées. Enfin, les terres usurpées depuis un demi-siècle seront reprises et rendues à l’usage public. On les a volées au peuple : qu’on les lui rende !

« Volé ! » l’expression était dure, et ceux qu’elle atteignait regimbèrent sous l’outrage. Par malheur pour eux, elle était strictement et historiquement vraie. Ceux qu’il avait appelés voleurs avaient beau répondre en le traitant de socialiste, il était visible que, pour les gens sérieux, ce mot avait perdu quelques-unes de ses terreurs. En s’enfonçant dans l’histoire, chez les Aryens comme chez les Sémites, chez les Celtes comme chez les Saxons, on retrouve,