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n’en trouverez chez M. Chamberlain que les côtés admirables et non les côtés ridicules. Ce n’est certes pas lui qui méprise les étrangers et les croit indignes d’imitation. Il connaît, je pense, ce beau passage où Montesquieu nous montre Rome empruntant quelque chose à tous ses ennemis, soit une arme de guerre, soit un outil de gouvernement. Ainsi a fait M. Chamberlain avec ses amis d’Amérique et de France. Récapitulons tout ce qu’il nous doit. Sans parler d’emprunts insignifians, comme la loi sur les faillites, chez qui a-t-il trouvé le suffrage universel, l’instruction populaire obligatoire et gratuite, l’unification des pouvoirs locaux ? Où a-t-il vu ce puissant organisme d’une nation de paysans propriétaires, qui défie la révolution sociale parce qu’elle l’a devancée ? Quels charmes peuvent avoir le caporalisme et le piétisme prussiens pour ce grand disciple de la pensée française, dont nous revendiquons avec fierté la sympathie ? Il se souvient de Thiers avec respect ; il a salué, d’une phrase émue et vibrante, la mémoire de Gambetta, dont il a été l’ami ; il a parlé de l’Alsace-Lorraine comme en eût parlé un Français. Peut-être, lorsque le traité de Francfort, qui nous lie les mains, ne sera plus qu’un morceau de papier historique, est-il réservé à sa vieillesse de reprendre, avec nos hommes d’état, l’œuvre de la liberté commerciale, la grande œuvre de Cobden et de Napoléon III. Mais, quoi qu’il arrive, j’ose en répondre, Joseph Chamberlain ne sera pas un second Crispi !


AUGUSTIN FILON.