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aux vicissitudes de la politique et aux transformations de la science procède nécessairement de la nature même des choses. Mais l’extrême diversité des solutions qui ont successivement prévalu avertit presque aussitôt l’homme d’État qu’en se réservant la haute main sur les mines, chaque gouvernement n’a fait qu’obéir à ses préoccupations propres, parmi lesquelles l’intérêt public, toujours mis en avant, n’a pas toujours tenu la première place. Légendes populaires du moyen âge sur la formation mystérieuse des métaux dans le sein de la terre, morcellement de la propriété féodale à proportion des différens usages que le sol peut comporter, abus de pouvoir du roi et des seigneurs, toujours enclins à grossir leur patrimoine au moyen de leurs attributions de suzeraineté et de police, puis, chez les hommes de la Révolution, parti-pris d’enrichir la nation des dépouilles du souverain, — les assises de notre droit minéral sont faites de tous ces débris du passé, et pareillement sa langue, où des mots d’un autre âge, tréfonds, superficie, droit régalien, reparaissent à chaque instant sous la phraséologie moderne, éclairant d’un jour inattendu l’origine des choses, et nous reportant brusquement de plusieurs siècles en arrière. Un coup d’œil rétrospectif confirmera ce premier aperçu.

Les phases successives de la législation minérale ont été retracées dans de savantes études de M. Lamé-Fleury, dont les lecteurs de la Bévue n’ont certainement pas perdu le souvenir[1]. On les cite encore aujourd’hui comme le travail le plus complet qui ait paru sur la question. Ce tableau du régime légal des mines avant 1789 fait peu d’honneur à la monarchie. Partout ailleurs lente et progressive, parfois interrompue, mais toujours reprise et poursuivie en dépit des obstacles et de passagères défaillances, l’action du pouvoir royal ne procède ici que par soubresauts. De Charles VI à Louis XVI, elle s’exerce, tantôt sous forme de concessions individuelles, tantôt par voie de prohibitions de police, tantôt au moyen d’une dîme imposée à l’exploitant, dont la liberté d’extraction et de recherche n’est pas d’ailleurs autrement limitée, tantôt par la constitution, au profit de quelque favori, d’un monopole général sur toutes les mines d’une province, voire du royaume. Nous trouvons même, sous Louis XI, le système de l’adjudication publique pratiqué pour les mines royales. Pendant quatre siècles, on n’aperçoit ni tradition constante, ni évolution suivie. Cependant, à travers ces variations incessantes, deux faits persistent, qui ont servi de base à une théorie fort accréditée : 1o la propriété de la mine n’est pas liée à celle du sol, — et l’on en a conclu que la réunion « du dessus

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1857.