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métallique se divisait entre les propriétaires de la superficie correspondante, « chacun sous soi, » mais, sous une même propriété, il se trouvait soumis à un double régime, suivant sa profondeur. A partir de cent pieds, nécessité d’une concession et surveillance administrative ; au-dessus, plus de formalités ni de contrôle. Et comme c’était justement sur les affleuremens des couches que l’extraction avait été rendue libre, les propriétaires se trouvaient encouragés, en quelque sorte, à procéder à des travaux superficiels hâtivement conçus, destinés le plus souvent à l’abandon, et qui créaient parfois des difficultés sérieuses pour l’avenir de la mine.

De grandes richesses minérales furent ainsi gaspillées[1], certaines exploitations irrémédiablement compromises[2]. Les choses en vinrent à ce point qu’en 1801 le ministre de l’intérieur Chaptal prit sur lui de rétablir le système des concessions dans la zone de cent pieds. Néanmoins, lorsqu’en 1804 les rédacteurs du code civil abordèrent le titre de la propriété, ils n’hésitèrent pas à proclamer l’union intime de la surface et du tréfonds : il fallait bien que la propriété foncière, reconstituée et affranchie pour la première fois depuis dix siècles, fût rétablie dans sa plénitude normale. Quant au régime spécial des mines, il ne leur parut pas qu’il fît échec au principe. Dans leur esprit, la loi de 1791 n’enlevait rien au propriétaire du sol. « La propriété serait imparfaite, dit l’exposé des motifs, si le propriétaire n’était libre de mettre à profit, pour son usage, toutes les parties extérieures ou intérieures du sol ou du fonds qui lui appartient, et s’il n’était le maître de tout l’espace que son domaine renferme. Cependant, comme il est des propriétés d’une telle nature que l’intérêt particulier peut se trouver facilement et fréquemment en opposition avec l’intérêt général, dans la manière d’user de ces propriétés, on a fait des lois et règlemens pour en diriger l’usage ; tels sont les domaines qui consistent en mines, forêts, etc., etc. » Diriger l’usage de la propriété : la disposition du code civil qui permet au propriétaire de faire chez lui toutes les fouilles qu’il lui plaît, « sauf les modifications résultant des lois et règlemens relatifs aux mines, » n’a pas d’autre portée. Placée là comme une pierre d’attente, en vue de la future loi spéciale projetée dès cette époque, elle en fixait par avance les grandes lignes : la propriété minérale devait demeurer dans les mains du propriétaire du sol, réglementée seulement dans son usage et soumise au contrôle de l’administration.

  1. Telle est l’origine du feu qui couve depuis le commencement du siècle dans le bassin houiller de l’Aveyron.
  2. Les travaux superficiels ont fait affluer dans certains cas les eaux en telle abondance qu’il a fallu renoncer à l’exploitation des couches voisines.