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de 1847. Depuis lors, l’extension des voies ferrées, le développement de la navigation à vapeur les ont rendues impossibles. Le prix du blé tend à devenir uniforme sur tous les marchés du monde et c’est à peine si les mauvaises récoltes font payer le pain quelques centimes de plus aux consommateurs. C’est ainsi qu’en 1879 la récolte de blé a été mauvaise dans l’Europe entière. Une disette y était imminente, si l’Amérique, qui produit beaucoup plus de blé qu’elle n’en consomme, ne nous avait pas expédié son excédent. Elle a exporté cette année-là 65,540,000 hectolitres de blé, sur 167,003,314 qu’elle avait récoltés, et, grâce à ce secours, c’est à peine si l’Europe s’est aperçue de l’insuffisance de sa production.

Ce libre échange des grains a quelques inconvéniens économiques. Il rend la concurrence difficile pour les vieilles nations dont les charges sont lourdes et le sol appauvri. Il les met parfois dans la fâcheuse nécessité de se protéger à l’aide de droits compensateurs ; mais, en somme, il vaut mieux souffrir de temps en temps d’une crise agricole, comme celle d’où nous sortons, que d’être exposé à mourir de faim après avoir mangé l’herbe des prairies et l’écorce des arbres, comme cela arrivait encore il y a deux cents ans.

Le second point qui donne à réfléchir à l’hygiéniste, c’est l’extension prise par le commerce des vins et des spiritueux, depuis la dernière exposition ; c’est la variété et l’abondance des boissons fermentées accumulées dans les galeries du quai d’Orsay. On y voit des bières, des cidres, des vins de toutes les provenances. Les cidres forts, les cidres mousseux de Normandie, y rivalisent avec les cidres américains, qui viennent maintenant leur faire concurrence sur nos marchés[1]. Le pale ale, le stout, le porter, le stronch-beer et le lager-beer y rivalisent avec les bières des bords du Rhin.

Les vins sont plus variés et bien plus nombreux encore. Il y en a qui portent des noms tout à fait inconnus ; on y voit des crus dont on ne soupçonnait pas l’existence. A côté des produits de nos vignobles et de ceux de l’Europe méridionale, qui ont si longtemps figuré seuls sur les marchés, on voit s’y produire aujourd’hui les vins mousseux du Caucase, ceux de la Tauride et de la Crimée, les vins de Kakhette et d’Yalta. Les grands crus blancs et rouges de la Roumanie côtoient, à l’Exposition, les vins de la Calabre et ceux de l’Archipel. Les autres parties du monde viennent aussi leur faire concurrence.

  1. Le 24 juin dernier, le transatlantique la Bretagne a débarqué, au Havre, 700 fûts de cidre, et le 1er juillet la Normandie en a déposé 700 autres dans le même port. Cela fait en huit jours 12,320 hectolitres.