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Tout s’est passé d’une façon aussi soudaine que bizarre. Pendant que la famille impériale était tranquillement à Pétropolis, une résidence d’été, qui est dans les montagnes, à quelques lieues de la ville, un mouvement semi-militaire, semi-républicain, a éclaté brusquement à Rio. Tout ce qui est autorité publique s’est évanoui devant la sédition qui s’est emparée du pouvoir. On est allé à Pétropolis pour signifier sa déchéance à l’empereur dom Pedro, en le priant respectueusement de s’en aller. Si l’empereur a fait quelque opposition, on ne le sait pas encore ; on sait seulement qu’il s’est embarqué ou qu’il a été embarqué avec sa famille, avec l’impératrice, avec la princesse impériale et son mari, le comte d’Eu, avec tout ce qui représente la dynastie. Il est parti pour l’Europe, et l’insurrection est restée maîtresse à Rio-de-Janeiro, sans rencontrer une résistance sérieuse, sans combat, sans apparence d’intervention populaire. Elle avait son gouvernement tout prêt, un gouvernement provisoire comme toujours, dont les chefs principaux paraissent être un officier de l’armée, le général da Fonseca, et un officier de marine, le contre-amiral Van den Cock. Les autres sont un professeur de l’école polytechnique de Rio et des journalistes qui ont pris les ministères. La révolution n’a eu qu’à paraître pour triompher. Elle s’est aussitôt mise à l’œuvre : elle a dissous la chambre des députés ; elle a aboli la constitution, le sénat, le conseil d’état. Elle s’est hâtée de donner à la république nouvelle un nom fait pour plaire aux instincts fédéralistes du pays : « Les États-Unis du Brésil ! » Ce qui s’est passé ou ce qui a été fait à Rio n’a pas été contredit par les provinces qui semblent avoir adhéré, au moins provisoirement, à la révolution, à la république. Et c’est ainsi que finit au Brésil l’ère impériale, la domination des Bragance, par la disparition soudaine et l’exil de cet empereur dom Pedro II qui s’était fait dans ses voyages à travers l’Europe une juste et universelle popularité.

C’est peut-être la fin d’une dynastie, on ne peut pas dire ce que l’avenir réserve ; c’est, dans tous les cas, la fin d’un règne de plus d’un demi-siècle qui avait commencé dans les agitations et les crises de l’émancipation brésilienne. Dom Pedro II est le fils du premier dom Pedro, du prince autrefois renommé, qui, après les guerres de l’empire, avait été laissé comme régent à Rio par son père Jean VI, qui avait été conduit, en 1822, à proclamer l’indépendance de la grande colonie portugaise sous la forme impériale, et qui, à l’époque où il était revenu en Europe, vers 1831, pour soutenir les droits de sa fille, dona Maria, au trône de Portugal, avait laissé à son tour la couronne brésilienne à son fils, encore enfant. Cet enfant, c’était dom Pedro II, qui avait à peine six ans. Le jeune souverain régnait d’abord avec des régences changeantes, et ce n’est que peu après 1840 qu’il arrivait à la direction personnelle des affaires par une proclamation