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Bien que le nombre des habitans de chaque immeuble soit encore trop élevé, ces maisons doivent être salubres. C’est du moins ce qu’il est permis de conclure de l’examen des maquettes et des plans qui figurent à l’Exposition.

Si l’hygiène n’a rien à redire aux différens genres d’habitations collectives que je viens de passer en revue, il n’en est pas de même de celles dont il me reste à parler. Le familistère de Guise occupe une trop grande place à l’Exposition pour que je le passe sous silence. Il y est représenté par des plans, des dessins, et par un petit modèle où figurent les trois palais, l’usine et ses dépendances, avec l’Oise passant au milieu. Cet établissement, qui rappelle le phalanstère des fouriéristes, a été fondé en 1859 par M. Godin et habité en 1860. Il loge 1,800 ouvriers, et se compose de trois édifices en forme de parallélogramme, dont chacun renferme une cour intérieure, couverte d’un vitrage à la hauteur des toits. Les logemens sont distribués autour de ces cours, sur lesquelles s’ouvrent toutes les fenêtres du rez-de-chaussée. Les étages supérieurs prennent accès sur des galeries extérieures. Ils communiquent entre eux par des escaliers placés aux deux angles de chacun des parallélogrammes. C’est également là que se trouvent les lieux d’aisances, les chambres de débarras, et les prises d’eau. Les magasins coopératifs (boulangerie, boucherie, buvette, épicerie, etc.) sont situés dans des bâtimens spéciaux, ainsi que les bains, les lavoirs, la pharmacie, la nourricerie, les écoles, le théâtre, le restaurant et les autres dépendances.

La mutualité est organisée d’une manière complète dans le familistère, à l’aide d’institutions de crédit qui assurent le nécessaire aux familles malheureuses et, à tous les associés, des secours en cas de maladie et une pension dans leur vieillesse. La participation aux bénéfices est fondée sur des principes financiers que je n’ai pas à exposer ici ; mais c’est la commune sociétaire telle que nous la rêvions, il y a cinquante ans, alors que Victor Considérant nous entraînait à sa suite, et nous séduisait par le brillant mirage de ses doctrines.

Je n’ai pas à rechercher jusqu’à quel point cette vie en commun est compatible avec le bon ordre, avec l’indépendance de la famille et la liberté de son chef. Je n’ai pas à me demander si l’éducation des enfans en commun et en dehors de l’action de leurs parens, depuis le pouponnât jusqu’à l’atelier, ne porte pas une atteinte profonde à l’esprit de famille, je n’ai à m’occuper que de l’hygiène de cet immense établissement ; et je la trouve déplorable.

Les trois grands parallélogrammes où vivent 1,800 habitans prennent leur air dans l’intérieur des cours vitrées. Le renouvellement