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par des avantages pécuniaires et par la considération dont Ils les entourent les professeurs les plus réputés. C’est comme une émulation de générosité et de libérales dépenses entre les différentes villes de ce petit pays. Scaliger, alors en pleine célébrité, est reçu comme un souverain à son arrivée à l’université de Leyde, où on lui accorde un traitement supérieur n celui des autres professeurs.

Comme lui, Saumaise se décide à quitter la France et Juste Lipse les Flandres. Gronovius et Grœvius viennent d’Allemagne grossir le nombre de ces érudits. Ainsi recruté, le personnel des universités donne au mouvement général des esprits une vive impulsion. L’instruction de la jeunesse y est l’objet des soins les plus intelligens et, comme toujours, les côtés pratiques ne sont point négligés.

La calligraphie, alors considérée comme un art, compte des virtuoses dont les noms sont connus de tous, et les nombreuses éditions de leurs œuvres se succèdent rapidement. À en juger par les grimoires à peu près indéchiffrables des époques précédentes, la réforme qu’ils avaient à accomplir n’était pas de médiocre importance. Grâce à eux, les écritures deviennent peu à peu plus lisibles et, pour des commerçans, des hommes d’état ou des diplomates, ce progrès est capital ; en facilitant les relations, il sert au bon renom de la nation. Les exemples d’écriture proposés aux écoliers aident, du reste, à leur éducation, car ils contiennent des leçons morales, des maximes versifiées à la façon de ces quatrains du sieur de Pibrac qui, vers cette époque, jouissaient en France d’un crédit général. On insiste d’ailleurs sur l’enseignement religieux, sur la connaissance de la Bible, sur tout ce qui peut munir les jeunes générations de solides principes. Mais, en même temps, on se préoccupe de développer chez elles la vigueur et la souplesse du corps. Dans une série de gravures représentant les diverses dépendances de l’université de Leyde, à côté du jardin botanique et de la bibliothèque, — dont les volumes classés par catégorie sont prudemment retenus, au moyen de chaînes, aux pupitres sur lesquels on peut les consulter, — nous voyons une grande salle couverte dans laquelle les étudians se livrent aux exercices les plus variés : l’escrime, l’équitation, la gymnastique et le maniement des armes, conformément au programme tracé par l’antique dicton : Mens sana in corpore sano.

Avec l’étude de la langue hollandaise qui commence à être en honneur, celle des langues vivantes est depuis longtemps répandue, et déjà Guicciardini était frappé de voir « des gens qui ne sont jamais sortis de leur pays qui y parlent, outre leur langue maternelle, un grand nombre de langues étrangères, le français, l’allemand, l’italien et d’autres encore. » Quant à ceux qui veulent être