Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/774

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cité de leur présence. Sous la pression des circonstances, il va entrer dans des voies plus vivantes. Coster introduit dans ses compositions académiques des traits empruntés à la vie familière et des allusions aux événemens contemporains. C’est ainsi que dans sa Polyxène, représentée en 1630, il cherche à flétrir le fanatisme religieux. Il n’hésite pas, d’ailleurs, à mettre sous les regards du spectateur les actions les plus horribles : sur la scène elle-même Hécube crève les yeux du roi de Thrace Polymnestor, et elle est ensuite lapidée par le peuple. Dans sa tragédie d’Isabelle, l’héroïne de la pièce, après avoir persuadé à Rodomont qu’elle est invulnérable, reçoit de lui un coup si violent que sa tête détachée roule par terre, et le meurtrier involontaire déplore en termes d’une naïveté ridicule sa crédulité. Ces grossièretés, ces fautes de goût s’allient cependant chez Coster à des progrès de style évidens et même, çà et là, à des éclairs d’inspiration. Brederoo, son contemporain et son ami, s’avance plus loin dans ces voies : il essaie de transporter sur les planches la vie même de tous les jours et trouve ses modèles parmi les rues et les marchés d’Amsterdam sans rien retrancher des hardiesses de leur langage ; mais il meurt prématurément, avant d’avoir pu donner sa mesure.

Pieter Cornelisz Hooft, au contraire, appartient à l’aristocratie par sa naissance et son éducation, et il contribuera plus efficacement à assouplir la langue. Il reste en Hollande le plus fidèle représentant des doctrines classiques. D’un voyage fait en Italie, il avait rapporté l’admiration de ces fades pastorales qui alors y avaient cours, et ses premières œuvres ne sont, à vrai dire, que des pastiches de l’Aminta du Tasse ou du Pastor fido de Guarini. Vers ce temps, d’ailleurs, ces bergeries étaient aussi chez nous dans le goût du jour, ainsi qu’en font preuve le succès de d’Urfé et plus tard celui de Mme Deshoulières. Des lettres elles devaient, en Hollande comme en France, faire irruption dans la peinture. A l’exemple de certains seigneurs de la cour de Louis XIV, il n’était pas rare de voir de bons bourgeois et d’honnêtes ménagères d’Amsterdam, ridiculement affublés en pâtres et en bergères, poser devant les portraitistes à la mode. Dans les premières pièces de Hooft, la langue est encore gauche, molle et sans relief ; les concetti et l’affectation y abondent ; elle gagne en grâce et en naturel dans les tragédies qui suivent, mais en somme l’invention y est pauvre, la vulgarité y coudoie à chaque instant le pathétique, et sans respect pour l’action, les hors-d’œuvre y tiennent une place démesurée. C’est ainsi que dans son Gérard van Velzen, représenté en 1613 l’auteur met dans la bouche d’un fantôme apparaissant au milieu d’un songe, une tirade qui ne compte pas moins de 266 vers uniquement destinés à prophétiser la grandeur future d’Amsterdam