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qu’elle a été formée, est rincée à grande eau à diverses reprises ; enfin, bien des fois, on a aussi recours à l’eau pour préserver le beurre du contact de l’air. Dans de semblables conditions, il serait bien surprenant que le corps gras destiné à notre alimentation ne fût pas accompagné d’une bonne dose d’humidité. Au reste, rien de plus aisé que de constater scientifiquement le lait ; il suffit de peser un fragment de beurre et de le soumettre, dans l’étuve à eau bouillante, à une température de 90 à 100 degrés. On s’apercevra au bout de quelques heures que le beurre a perdu 10 ou même 15 pour 100 de son poids : un semblable déchet ne peut être attribué au beurre lui-même, dont les caractères intimes ne se sont pas modifiées : il résulte de l’eau chassée par évaporation.

Il n’est même pas besoin, à la rigueur, de faire subir au corps gras l’influence de l’étuve. Prenez un flacon ordinaire à goulot suffisamment large, dans lequel vous ferez tomber une tranche de beurre, pesée d’avance ; achevez de remplir avec du bon éther de pétrole, bouchez et agitez. La matière grasse se liquéfie peu à peu et se mêle au pétrole, tandis qu’au-dessous de celui-ci on voit se rassembler une petite couche d’eau dont le volume et par suite le poids peuvent être jugés à vue d’œil, et sont même susceptibles d’être estimés avec précision, grâce à l’emploi d’une éprouvette graduée ou bien d’un entonnoir à robinet. Il est donc facile, en l’absence de tout matériel chimique, de se faire une idée de l’humidité contenue dans le beurre.

Il est manifeste qu’au-delà d’une limite raisonnable de 15 ou 20 centièmes, la présence d’un excès d’eau constitue une tromperie véritable, d’autant plus qu’il s’agit d’un aliment dont le prix est relativement élevé, et que le laboratoire municipal de Paris a découvert jusqu’à 35 pour 100 (plus du tiers ! ) d’eau claire dans certains échantillons de beurre, destinés aux amateurs de la grande ville. La moyenne du « mouillage » ne s’écarte guère de 42 ou 13 1/2 pour 100, et le minimum descend jusqu’au taux infime de 5 pour 100.

Cependant la mince couche d’eau que nous apercevons au-dessous de l’éther de pétrole, dans notre expérience de tout à l’heure, mérite souvent un examen plus attentif. Surtout avec un beurre de médiocre qualité, il est rare que cette eau soit insipide et insensible aux réactifs. Presque toujours son goût trahira la présence du sel de cuisine ; mais la présence de cet agent conservateur est parfaitement tolérée. Si le producteur ou l’intermédiaire sale trop copieusement, le consommateur ne peut manquer de s’en apercevoir et dès lors paiera le beurre moins cher. Le bicarbonate de soude, le borax, l’acide salicylique, beaucoup plus puissans comme