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même coagulum, par exemple, l’alcool ordinaire, le sel marin, le sulfate de magnésie. Enfin, chacun a vu le lait, chauffé jusqu’à la température d’ébullition, se recouvrir progressivement d’une sorte de toile ou de mince pellicule, sans pour cela se solidifier entièrement. D’autre part, dans la fabrication des laits dits concentrés, le liquide est desséché à 70 degrés, mais l’extrait obtenu peut être derechef mélangé à l’eau lorsqu’on veut utiliser la conserve, et reproduit à peu près le lait primitif.

Peut-on restituer sa fluidité première au lait caillé par les acides ? Il suffit de neutraliser l’action de l’acide par quelques gouttes de potasse, de soude, en un mot d’une substance alcaline, pour que le précipité formé ne tarde pas à disparaître. Ajoutés au lait pur, ces mêmes alcalis rendent le liquide plus coulant, moins visqueux.

L’ensemble des phénomènes que nous venons d’énumérer peut s’expliquer en admettant que le lait renferme une substance analogue au blanc d’œuf de poule ou albumine. La véritable albumine de l’œuf est soluble dans l’eau ; l’alcool et l’éther la précipitent de sa solution, la coagulent ; les acides minéraux agissent de même et plusieurs sels, le chlorure de sodium, par exemple, produisent le même effet. Néanmoins, si voisine qu’elle soit de l’albumine véritable, la matière contenue dans le lait en diffère sous quelques rapports. Il suffit d’avoir ouvert un œuf à la coque pour s’apercevoir qu’une température inférieure à celle de l’eau bouillante solidifie le blanc d’œuf et le rend rigoureusement insoluble dans l’eau. Au contraire, le lait ne se coagule point si on ne chauffe que modérément. D’autre part, l’acide acétique, ou si l’on veut, le vinaigre, ajouté au lait, le caille à merveille ; le même réactif ne trouble point les liquides à base d’albumine. — Conclusion : le lait renferme un principe très voisin de l’extrait de blanc d’œuf, mais cependant bien distinct de ce dernier, et c’est à ce principe que s’applique le terme de caséine. L’une et l’autre matière, riches en carbone, riches en azote[1], sont éminemment propres à l’alimentation de l’homme et, de cette façon, la science rend compte du pouvoir nutritif du lait qui entretient l’ensemble de l’organisme d’un mammifère, fournissant à la chair l’azote de sa caséine, à la charpente osseuse de l’acide phosphorique, vivifiant le sang par son chlorure de sodium, et agissant enfin sur la respiration par l’intermédiaire du beurre et du sucre de lait.

On a entassé argumens sur argumens et déversé de vrais

  1. Composition centésimale approximative de la caséine et de l’albumine : carbone, environ 53 pour 100 ; hydrogène, 7 pour 100 ; azote, 16 pour 100 ; oxygène, 23 pour 100 ; soufre, 1 pour 100.