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s’adressant directement aux exploitations agricoles qui l’expédient en boites scellées, ou même en s’adressant à une bonne crémerie. Mais le gros des consommateurs ne voulant ou ne pouvant pas acheter du lait à 0 fr. 70 le litre, consomme un liquide trempé et falsifié qu’il paie 0 fr. 30 à 0 fr. 40.

Le laitier en gros, installé dans son entrepôt de Paris, objectera bien, pour sa défense, qu’il n’est pas chimiste et ne peut, a priori, reconnaître si le lait qu’il reçoit de la province ou de la banlieue est mouillé ou non. Le débitant répondra de même, avec un argument de plus à l’appui de son dire, qu’il l’accepte des mains d’un intermédiaire et non directement. Tous deux, néanmoins, encourent la responsabilité pleine et entière des fraudes commises au détriment du lait qu’ils se procurent, en vertu d’un principe bien connu : « Chacun doit être en état de juger de la qualité des denrées dont il fait le commerce[1], » soit par la dégustation, soit en tenant compte de l’aspect extérieur. D’ailleurs, les laboratoires municipaux, fondés dans toutes les villes de quelque importance, n’ont pas d’autre but que de permettre aux marchands, aux détaillans, aux consommateurs, de s’assurer de la bonne qualité des vivres qu’ils achètent dans l’intention de les revendre ou de les utiliser par eux-mêmes.

Souvent il n’est pas impossible au premier venu de constater directement un mouillage maladroit. Pour en faire sur-le-champ la démonstration, reprenons les deux petits appareils que nous avons déjà décrits : le lactodensimètre de Quévenne et le crémomètre de Chevallier.

Plongeons l’aréomètre dans un lait irais pur de tout mélange ; l’instrument, à la température de 15 degrés centigrades, marquera 30 degrés 1/2. Après avoir noté ce chiffre, versons le lait dans le crémomètre et attendons que la crème se soit rassemblée en formant une couche d’épaisseur connue. Enlevons celle-ci au moyen d’une cuiller, puis recourons de nouveau à notre pèse-lait ; a priori, le nouveau nombre que nous lirons sera supérieur à 30° 5. Effectivement, le lait, par la perte de la plus grande partie de son beurre, aura gagné en densité. Le point d’affleurement se fixera non à la division 30° 5, mais à la division 3â. Comme on le voit, la différence est assez sensible, chaque degré de l’instrument occupant sur la tige une longueur de plusieurs millimètres.

Attaquons-nous maintenant à des laits suspects. Le premier échantillon qu’on nous présente est assez dense. Versons-le dans l’éprouvette crémométrique ; malgré toutes les précautions que

  1. M. Ch. Girard.