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durée de la concession est fixée en conséquence. Cela suppose qu’on pourra distinguer, dans l’exploitation, deux périodes parfaitement tranchées : — période de premier établissement et période productive, — se succédant à point nommé, ayant chacune leur durée limitée et leur budget propre. Or, dans les travaux des mines, les deux périodes se confondent jusqu’au bout. Quand le gîte est atteint, quand le mineur a cessé de « travailler au stérile, » il n’est qu’au début de ses efforts. Pour aller recouper le gisement à travers les couches inférieures du sol, le voilà qui va reprendre, dans le sens horizontal, le travail de fouille qu’il avait commencé en profondeur ; après quoi, et à mesure que ses galeries s’allongeront sous terre, il devra songer à les mettre en communication avec l’extérieur par de nouveaux puits d’extraction et d’aérage. Au milieu de ce perpétuel recommencement, il faut sans cesse engager de nouveaux capitaux ; le compte de premier établissement n’est jamais clos.

Le terme qu’on assignerait aux concessions de mines serait donc forcément arbitraire, du moins tant que nous ne pourrons pas calculer par avance ce que telle portion du sol renferme de tonnes de minerai ou de houille, ce qu’il faudra de temps et d’argent pour l’extraire, ce que produira la vente. Admettons que tout cela, la science parvienne un jour à le prédire, qu’une concession temporaire de mines ne soit plus un jeu de hasard ; que gagnerait l’État à limiter la durée de l’exploitation ? Le travail souterrain ne laisse après lui que des ruines. Du tréfonds exploité, rien ne demeure qui puisse faire retour à la nation : tout au plus quelques installations accessoires, qui vont devenir insuffisantes ou inutiles, dès que l’extraction se poussera plus avant dans le sol. Les galeries subsistent, mais vides ; on peut les utiliser, mais seulement à l’état de passages souterrains, et dans un rayon forcément limité. Où voit-on la matière à reprise ? Sans doute, si une loi de spoliation ou de rachat venait fondre à l’improviste sur une exploitation en pleine activité, elle mettrait sous la main du gouvernement certaines valeurs productives : travaux d’approche, galeries à moitié exploitées, tout ce que le concessionnaire aurait disposé en vue de ses prochaines campagnes. Mais on ne suppose pas qu’un entrepreneur à qui le temps aura été préalablement mesuré se laissera surprendre par l’échéance fatale. Pour ne pas s’exposer à travailler en pure perte pendant les dernières années, il restreindra l’extraction aux couches déjà explorées et n’y laissera rien à glaner à ses successeurs ; ou bien il négligera, comme étant d’une exploitation trop peu rémunératrice, des quantités de houille qu’il faudrait extraire pendant qu’on en est à portée, qu’on ne pourra plus aller chercher après que les galeries, abandonnées à elles-mêmes, se seront affaissées naturellement.