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En pourriez-vous décrire, de façon même approximative, la consistance, la profondeur et l’allure ? Car voilà bien l’écueil inévitable de tous les systèmes qui voudront séparer la mine du sol, lui supposer une existence propre, une individualité distincte ; et l’inventeur viendra s’y heurter comme les autres, plus durement même qu’aucun autre. Dans le travail souterrain, tout au rebours de ce qu’on pourrait croire, l’invention ne précède pas l’exploitation : toutes deux marchent de iront. La mine n’est connue que quand elle est fouillée ; on la découvre à mesure seulement qu’on l’attaque ; et, quand on parle d’en mettre l’inventeur en possession pour prix de sa trouvaille, on renverse les termes du problème.

En fait, la découverte d’un gisement est due, soit à des inductions géologiques, soit à la rencontre d’un affleurement superficiel. La présence d’un affleurement n’est nullement significative ; à quelques mètres sous terre, le filon peut cesser brusquement sans qu’on sache pourquoi, et « le pionnier hardi qui parcourt la montagne, guidé seulement par son instinct, » en sera le plus souvent pour sa peine. Les inductions géologiques, corroborées par des sondages préparatoires, ne donnent elles-mêmes que des indices, parfois trompeurs, toujours insuffisans ; on en a constamment la preuve pour les houillères, la branche la plus importante de notre richesse souterraine, celle qu’il faut toujours avoir présente à l’esprit quand on raisonne sur ces matières. Nous croyons savoir aujourd’hui que le combustible minéral s’est formé par la décomposition lente de débris végétaux accumulés et stratifiés dans les dépressions du sol. Pour prédire à coup sûr qu’à telle profondeur on tombera sur une couche de houille, pour affirmer, — chose capitale, — qu’elle se continue sans interruption sur une longueur déterminée, il faudrait donc connaître le relief du sol à l’époque carbonifère et les modifications successives qu’il a subies depuis lors. Faute de ces bases, que la stratigraphie n’a pu jusqu’ici leur fournir, nous voyons les concessionnaires, au centre même du gîte, trompés dans leurs calculs les mieux établis par des accidens de terrain dont rien ne pouvait les avertir. Un explorateur table nécessairement sur des données encore plus vagues ; le peu qu’il connaît de la mine se réduit, en réalité, aux quelques portions atteintes par ses travaux de recherches ; et, ce qu’il ne connaît pas, il ne peut raisonnablement le réclamer par droit d’invention[1].

  1. La difficulté de définir l’invention en matière de mines montre tout ce qu’il y a d’arbitraire dans le système ; le projet de 1886 propose de reconnaître la qualité d’inventeur à celui qui aura le premier établi matériellement, dans un périmètre de recherches légalement détenu par lui, l’existence d’un gîte naturel, paraissant techniquement susceptible d’exploitation.