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désireux de s’instruire. Par malheur, Casaubon était de nature un peu changeante. Il ne resta que quelques années à Montpellier, et, après lui, le silence se fit de nouveau sur la Faculté des arts.

La Faculté de droit a bien plus d’importance. Elle était dans sa pleine prospérité en 1339, quand le cardinal Bertrand de Deaux fit pour elle, à la demande du pape Benoît XII, un règlement minutieux où l’on voit mieux qu’ailleurs quel était alors le régime des études et la vie des écoliers. A Montpellier, comme partout, l’enseignement se donne sous la surveillance de l’autorité ecclésiastique. Les grades sont conférés au nom de l’évêque ; il décerne et scelle les diplômes ; il confirme la nomination des dignitaires et tous les conflits qui s’élèvent sont portés devant lui. C’est un principe accepté de tous au moyen âge que le pouvoir d’enseigner appartient à l’Eglise, et, précisément parce que tout le monde l’accepte, il ne gêne personne. D’ailleurs l’autorité épiscopale est limitée par les traditions et les privilèges de l’université qu’elle est forcée de respecter. C’est ainsi que la Faculté de droit de Montpellier, sous la tutelle bienveillante de l’évêque, s’administre au fond comme elle veut. Tous les ans, elle nomme un recteur et douze conseillers, et les prend parmi les trois nations (Provençaux, Bourguignons, Catalans) dont elle se compose. Pourvu qu’on soit clerc et qu’on ait plus de vingt-cinq ans, on peut être élu. Une seule exception est faite, et elle paraît fort surprenante. Il est défendu de choisir un docteur, et si le recteur qu’on a nommé arrive au doctorat pendant son année d’exercice, il doit donner sa démission. C’est que l’Université de Montpellier, comme celle de Bologne, est une association d’étudians. L’Université de Paris, au contraire, est une association de maîtres. Il peut donc se faire que le recteur et ses douze assesseurs ne soient pas même licenciés, et l’on voit souvent, dans les processions solennelles, la masse portée devant de simples étudians, qui précèdent les docteurs.

Le doctorat n’en est pas moins une dignité fort importante et très honorée ; comment pourrait-on n’en pas faire grand cas ? Elle coûte tant de peines et de temps ! Nous sommes pressés aujourd’hui, et tout doit se faire vite. Nous n’avons plus l’idée de ces longues vies consacrées entièrement et sans distraction aux sciences les plus austères et en apparence les plus rebutantes. Il semble vraiment qu’au moyen âge le savoir attirait par son aridité même et la peine qu’on éprouvait pour l’acquérir. Depuis qu’il s’est fait plus attrayant, on en est devenu moins avide. Trois ou quatre ans d’études lassent la patience de nos futurs avocats. Il fallait alors neuf ans de travail et une série d’épreuves dont quelques-unes duraient des semaines entières pour être docteur en droit civil ; on mettait douze ans au moins, avec dispenses, pour mériter le doctorat en droit