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chirurgie est venue la dernière et n’a obtenu sa place qu’à grand’peine. Dans les premiers temps, les haines étaient vives entre les chirurgiens-barbiers et les médecins qui affectaient d’avoir pour eux un profond mépris. Les professeurs s’invectivaient volontiers et les élèves prenaient leur part des querelles de leurs maîtres ; cette jeunesse était si animée qu’on ne trouva qu’un moyen d’éviter les conflits : on établit que les cours ne se feraient pas aux mêmes momens et que les étudians ne passeraient pas par les mêmes rues. Les malheureux chirurgiens, pour être sûrs de n’être pas dérangés, durent commencer leurs leçons à quatre heures du matin.

On voit que toutes ces innovations ne se sont pas faites sans peine ; l’école n’allait pas au-devant d’elles, elle les subissait de mauvaise grâce, quand il était impossible de les éviter. Au fond, elle souhaitait rester fidèle à ses traditions. Hippocrate était toujours son dieu. — Olim Cous, nunc Monspeliensis Hippocrates. — Même quand le progrès des temps la forçait à s’éloigner du passé, elle tenait à en conserver les apparences ; elle en gardait fidèlement le costume et le langage. Elle parlait obstinément latin, et l’une des raisons qu’avait la médecine pour mépriser la chirurgie, c’est que cette dernière, qui s’adressait ordinairement à des intelligences moins cultivées, était forcée de s’exprimer en français. Même après 1790, au milieu de ce mouvement qui emportait toute la société vers l’avenir, la vieille université, comme si rien n’était changé, continuait à tenir ses assises dans les formes anciennes et à se servir de la langue du moyen âge. Le dernier procès-verbal qu’elle ait rédigé de la collation des grades commence ainsi : Die vigesima octava mensis nivose anni tertii reipublicœ. Ce mélange du vieux et du neuf, en pleine Terreur, n’est-il pas vraiment grotesque ?


IV

Le moment était mal choisi pour se montrer si fidèle aux anciens usages. Ce qui ne nous paraît aujourd’hui qu’un ridicule semblait alors un crime. Quand tout le monde avait les yeux tournés devant soi, comment pardonner à ceux qui s’obstinaient à regarder en arrière ? En conservant ces formes vieillies, les universités