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dit, « l’habit ne fait pas le moine, » et c’est toujours la physionomie du moine qui reste difficile à exprimer. Quand il s’agit d’un grand chimiste comme Gay-Lussac, ne serait-il pas à propos de le représenter faisant de la chimie, au lieu de nous le montrer dans son costume d’académicien, un costume d’étiquette impersonnel et exceptionnel ? Sans doute, nos places publiques sont couvertes de personnages dans le même appareil : poètes, dramaturges, historiens, économistes, mathématiciens, artistes, tout y passe ; ce n’en est pas mieux pour cela, et ce n’est pas apprendre grand’chose à l’enfant curieux, en extase devant un bronze, que de lui dire : « C’est un académicien. » Gay-Lussac, auprès de ses cornues, n’aurait pas été un moindre personnage qu’un Gay-Lussac en habit brodé, culottes courtes, l’épée au côté ; il aurait agi bien plus clairement et plus vivement sur l’imagination de ses compatriotes limousins dans le présent et dans l’avenir. Dans ces dernières années, on a vu, aux Champs-Elysées même, des statues d’Arago et de Montgolfier dans lesquelles l’astronome et l’aéronaute étaient caractérisés par des attitudes plus parlantes pour les yeux de la foule. Présenter tous les savans sous l’aspect d’académiciens, ce n’est pas en dire beaucoup plus sur leur compte que si on les plantait sur des chevaux, comme les peintres. Encore est-il des académiciens explorateurs, connus par leurs expéditions scientifiques ou archéologiques, pour lesquels une monture, le cheval arabe, le dromadaire du Sahara, voire même le mulet montagnard et le petit âne d’Egypte, pourraient être une désignation glorieuse. Le mieux, dans toutes ces affaires, serait de s’en tenir au gros bon sens, et, quand on représente un grand homme, de le représenter aussi clairement que possible dans l’exercice de sa profession. Le Napoléon académique de Canova et le Napoléon romain de Chaudet n’ont jamais été pour personne le vrai Napoléon ; c’est l’homme au petit chapeau, l’homme en redingote grise qu’il nous faut. Tout ceci soit dit sans diminuer le mérite de l’œuvre de M. Aimé Millet qui s’est conformé sans doute à des instructions précises en exécutant, avec soin, son Gay-Lussac dans cette donnée officielle ; mais comme on est en train, dans toutes les villes de France, d’ériger des statues aux illustrations locales, et que beaucoup de ces illustrations ont eu l’honneur d’appartenir à l’Institut, il serait utile peut-être d’en varier l’uniforme. Le Méhul, pour la ville de Givet, par M. Croisy, est caractérisé plus résolument, au moins pour la date, par le costume qu’il porte, chapeau de feutre, culottes courtes, bottes molles, petit manteau par-dessus l’habit. Le Du Guesclin, de M. Hector Lemaire, destiné à son monument de Châteauneuf-de-Randon, est également reconnaissable, sous sa cotte d’armes armoriée, à sa