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tations assez nouvelles, assez pressantes en faveur du service de deux ans. Le jeune empereur y tient. Sans s’inquiéter des contradictions qu’on lui signale entre ses programmes de réformes sociales et ses redoublemens de dépenses militaires, Guillaume II suit sa voie à l’intérieur ; mais il a visiblement aussi ses idées de politique extérieure, et s’il ne cesse d’invoquer à l’occasion la triple alliance, il est clair que sa pensée, toujours agitée, va plus loin, et rêve d’autres combinaisons. On ne parle plus trop pour le moment, il est vrai, de ses tentatives du côté de Saint-Pétersbourg, de ses prochains voyages en Russie, de ses rencontres avec le tsar ; mais, en revanche, on a le traité qu’il vient de signer avec l’Angleterre, qui a éclaté brusquement, presque à l’improviste, dont l’Afrique orientale fait les frais, et qui au fond pourrait avoir une plus sérieuse signification, ne fût-ce que par les commentaires dont il est déjà l’objet.

À dire vrai, avec un peu d’attention, on aurait pu s’en douter. Évidemment depuis quelque temps, au moins depuis sa visite de l’an dernier à sa grand’mère, la reine Victoria, l’empereur Guillaume II tendait de plus en plus à se rapprocher de l’Angleterre, à nouer avec elle de nouveaux rapports, et la diplomatie de lord Salisbury ne déguisait pas sa bonne volonté de lier amitié avec l’Allemagne. Il y a eu dans ces derniers mois, entre les deux pays, une apparence de différend au sujet de la fameuse délimitation de la sphère d’action allemande et de la sphère d’action britannique dans l’Afrique orientale ou équatoriale ; ce dissentiment n’a jamais paru assez grave pour créer un antagonisme permanent et durable. C’était tout au plus matière à négociations entre Londres et Berlin. On discutait pour en venir à s’arranger en se distribuant des territoires contestés, pour arriver même à nouer des rapports plus intimes et plus étendus. C’est ce qui vient de se réaliser par cette convention récente, retentissante, qui a au moins cela d’original et d’étrange d’offrir le spectacle de deux puissances disposant de leur propre autorité de régions immenses et inconnues sur le continent africain, se partageant des territoires à peine explorés, qu’elles se cèdent ou se transmettent mutuellement comme si elles avaient un droit avéré de propriété. Prétendre déchiffrer du premier coup cette géographie obscure d’un continent mystérieux et se reconnaître à travers les délimitations arbitraires de contrées dont on ne peut évaluer ni les populations ni les ressources, serait certainement une chimère. On est ici provisoirement dans l’inconnu, au moins pour une bonne partie des pays qui sont l’objet de la nouvelle convention anglo-allemande. À prendre les choses telles qu’elles apparaissent, telles que les indique le traité, on peut dire sommairement que l’Allemagne reste en possession d’une zone intérieure qui va d’un point du lac Victoria-Nyanza à la frontière du nouvel état du Congo, qu’elle obtient aussi des territoires sur le haut