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252 REVUE DES DEUX MONDES. rière, devant une maisonnette de garde. Chasseurs et chasseuses en descendent ; celles-ci entrent chez le garde, qui s’est avancé au- devant d’elles, la casquette à la main. Quant aux hommes, à l’ex- ception de M. de Buttencourt, lequel doit conférer avec son garde, ils se dirigent vers la clairière, M. de Saint-Chamoins ouvrant la marche. — Ouf! fait le barbon en s’étirant et en frappant du pied le sol durci, je ne suis pas fâché de me retrouver sur mes jambes après cette course en voiture, si rapprochée du premier déjeuner. Mau- vais pour la digestion, ça!., surtout avec le voisinage de jolies per- sonnes habillées en hommes, mais diantrement femmes tout de même... par le haut! D’un geste il dessinait une courbe harmonieuse en avant de sa large poitrine carrée, qui saillait sous le velours à côtes de son affreux costume de chasse. — Et par le bas aussi, dites donc! — interrompit avec convic- tion le marquis de Prévallier, dont l’œil éraillé, à demi éteint, de vieux satyre fourbu se ralluma pour la circonstance, tandis qu’il désignait ses jambières et leur maigre contenu, comme faisant contraste, sans doute, à l’agréable vision qu’il évoquait. Frantz Real, qui marchait à côté d’Edgar Lecourtois, mur- mura : — Qu’est-ce que ça peut bien leur faire, à ces deux débris ? — Ma foi! fit le jeune Nancéen, je serais curieux de le savoir... Dites donc, vous qui êtes ferré sur les « états d’âme, » est-ce que vous ne croyez pas que ces vieux roquentins-là veulent tout sim- plement nous faire poser quand ils prennent un air émoustillé pour nous parler des femmes? — Eh, eh! qui sait? La puissance féminine est durable; et, lors- qu’on a prêté le col à son joug... — Oui, mais ce n’est pas de la puissance des femmes que je doute... — Jeune homme, nous allons devenir inconvenans, et nous n’avons pas encore l’âge de ces messieurs... Laissez-vous plutôt ramener sur un terrain où nous avons eu le plaisir... ou le déplaisir de nous rencontrer déjà... Vous êtes donc bien sûr de l’appui de M. de Buttencourt? — Moi? Pas le moins du monde. — Cependant, vous disiez... — J’ai dit que quiconque n’aurait pas son appui n’épouserait pas M ile Hart. -Eh bien? — Eh bien ! personne ne l’aura, son appui. Et, s’il feint de me