Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/267

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hallali! -loi ardeur. Non! Rien ne saurait me détourner de vous... Et, si vous vouliez... — Encore ! interrompit la jeune fille avec plus de lassitude que d’impatience. Mais, en ce moment, Hélène, à la prière de la vieille baronne, se mettait au piano et attaquait la. Grande valse brillante, de Schulhofï, laquelle, avec // baccio, ayant fait les délices de la première ou de la seconde jeunesse de la douairière, avait le pouvoir de la réveiller. Et, d’autre part, Edgar Lecourtois s’étant mis à feuilleter des ca- hiers de musique, en compagnie de M me Frugères, on pouvait au- gurer qu’une chansonnette ou peut-être un duo d’opérette succé- derait à la valse. En attendant, il était presque permis de causer à voix basse. Frantz, à demi penché vers Marie-Madeleine, profita des premiers accords pour reprendre, sur un ton contenu , mais sin- gulièrement expressif et chaleureux : — Oui, si vous vouliez m’accorder, à défaut d’autre chose, votre confiance, votre confiance entière, je vous jure que vous n’auriez point à vous en repentir... Je devine que vous avez des secrets... un, tout au moins, lequel vous oppresse, si même il ne vous tor- ture... et dont votre cousine, que vous aimez, qui vous aime, ne saurait pourtant recevoir la confidence... Oh! je ne sais rien, rien que ce qui peut être deviné, rien que ce que cette jeune femme, dont la méchanceté est faite surtout de jalousie, a sans doute de- viné comme moi. Mais je suis sûr, moi, que vous êtes sans reproche, qu’aucune légèreté, aucune imprudence ne vous est imputable. C’est un homme qui est coupable, un homme qui vous poursuit d’un amour insultant... Faut-il nommer cet homme? A quoi bon?.. Mais le temps presse. Je vais être bientôt obligé de me retirer, de quitter Rubé- court; et, si je me retire sans emporter une parole d’encouragement, je n’aurai pas le droit de vous aider, de vous détendre... Ah! je vous en prie, Marie-Madeleine, laissez-moi, en vous appelant de votre nom, si doux aux lèvres et si charmant, de ce nom que j’adore, vous persuader que ma tendresse est de vieille date et m’impose le devoir de vous protéger... Songez que, si j’avais l’espoir d’être un jour votre mari , si j’étais votre fiancé, vous n’auriez rien à craindre, rien à cacher... Songez que vous pourriez quitter de- main cette maison, où vous souffrez, où vous n’êtes pas en sûreté... Oh ! ne niez pas, de grâce ! Cela, j’en ai la preuve. Jusque-là, Marie-Madeleine avait écouté sans révolte. 11 était évi- dent que ce langage entraînant, couvert en partie par l’accompa- gnement assez bruyant de la musique, ne lui déplaisait qu’à moi- tié... Mais à peine le mot preuve eût-il été prononcé que la jeune fille se leva, sans s’éloigner toutefois.