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270 REVUE DES DEUX MONDES. les campagnes, avait arrangé ou toléré le mariage de sa maî- tresse, une jeune fille tombée, avec un de ses amis, lequel était aussi naïf qu’épris. Cependant, une circonstance quelconque ayant donné l’éveil à ce naïf, il surprit les amans, de nuit, et dans la propre chambre de la jeune fille... — Vos souvenirs vous servent bien, dit M me Fru gères en se levant. A l’occasion, sachez vous en servir. Et elle s’en alla sans rien vouloir entendre. Il est vrai que Frantz ne fit pas de grands efforts pour la retenir et n’avait aucun intérêt sérieux à savoir si la médisante personne, dans ses ren- contres avec Marie-Madeleine, avait surpris quelque chose de vrai- ment louche, ou si c’était, de sa part, calomnie pure. — 11 y a des choses dont il faut s’assurer par soi-même, surtout quand on a, depuis longtemps, la puce à l’oreille. Et puis, M. de Buttencourt, l’amant, V amant de Marie-Made- leine! Impossible! Et, d’ailleurs, la nuit dernière, n’avait-il pas bien l’air d’un amoureux transi, plutôt que d’un galant satisfait?.. Oui, mais ces paroles : « Si je voulais pourtant! » et : « J’oserai! » que signifiaient-elles? VII. La semaine avait été bien remplie : on avait pris deux sangliers, servis tous deux au couteau, selon les plus pures règles de la vénerie, l’un par M. de Buttencourt, l’autre par M. Real. D’ail- leurs, depuis le départ de M me Frugères et d’Edgar, on était tout à la chasse à courre, — du moins en apparence. Car Frantz cherchait d’autres traces que celles des sangliers et suivait d’autres voies que celles des cerfs et des chevreuils. Mais il n’avait rien découvert. Le baron ne se promenait plus la nuit, et les in-folio de la bibliothèque ne paraissaient pas destinés à res- servir jamais de boîtes aux lettres. Les forêts prochaines n’étant guère vives en cerfs, c’était une fête assez rare, à Rubécourt, que de pouvoir chasser un de ces animaux, proclamés rois de nos bois par les veneurs convaincus. Cependant, on s’offrait ce régal, de temps à autre, lorsque les piqueurs, ayant parcouru le pays en un jour de loisir, avaient eu connaissance de quelque tête notable. Et le fait se produisit juste- ment à la veille d’un dîner et d’un bal que la baronne avait résolu de donner, pour profiter du voisinage temporaire d’une demi-dou- zaine de Parisiens en déplacement dans la région, et aussi pour rompre la monotonie des soirées du château. On projeta dès lors une fête complète : grande chasse, grands repas, et curée aux flam- beaux avant la musique et la danse.