Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hallali! 277 Il eut soin de ne ressortir de sa chambre qu’au bout de cinq bonnes minutes, c’est-à-dire après que tout le monde eût eu le temps de parcourir avec effarement corridors et escaliers. Sauf le baron de Buttencourt, lequel finit par deviner la vérité, et Marie-Madeleine, qui devait l’apprendre de la bouche même de Frantz, personne ne sut jamais qui avait tiré ces deux coups de fusil, au beau milieu de la nuit. VIII. Le lendemain, s’inspirant du mot fameux : « Bien taillé, mais il faut coudre,» Real prit à part Marie-Madeleine, aussitôt après le déjeuner, et l’entraîna dans le parc, sans se soucier autrement de ce qu’on en pourrait induire.

lui dit tout, — non pas tout ce qu’il avait pensé, mais tout 

ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait fait. Et, comme la jeune fille demeurait muette, les yeux à terre : — Voyons, ajouta-t-il, pourquoi cette contenance? J’avais deviné juste, et je n’ai rien appris, parce que je n’avais rien à apprendre. Mais vous n’avez point à rougir ni à vous désoler... Seulement, vous avez besoin d’une protection. Vous avez besoin, tout au moins, d’un prétexte pour quitter cette maison. Acceptez... ou feignez d’accepter mon nom... Quoi! vous ne dites rien? Ne me répon- drez-vous pas un mot? — Si, si, murmura Marie-Madeleine comme en un rêve, je vous répondrai. Mais je cherche mes mots pour vous répondre... Et j’ai tort... M. de Buttencourt avait le droit d’entrer chez moi, comme il l’a fait cette nuit. — Le droit! le droit! s’écria Frantz bouleversé. Pensez-vous à ce que vous dites? — C’est vrai, dit la jeune fille sans relever la tête et sans affer- mir sa voix, il n’avait pas le droit d’agir comme il l’a fait, parce que je le lui avais défendu et parce que je suis ici contre mon gré. Mais, partout ailleurs... — Avez-vous bien conscience, interrompit Frantz avec une im- pétuosité dont il ne fut pas maître, de ce que vous me donnez à entendre? Ne vous abusez-vous pas sur les conséquences et la por- tée de quelque imprudence de jeune fille? — Hélas! Ce fut toute la réponse de Marie-Madeleine, mais si expressive et si navrante! Atterré, Frantz n’osait plus rien demander. Pourtant, un amer besoin de se confirmer dans son désenchantement, de sentir plus cuisantes les meurtrissures de son cœur, le pressait de parler.