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Athènes, l’ami qui se donne librement, selon l’expression de M. Cherbuliez, se présente, dans la planche de Diepenbach, comme le serf prêtant l’hommage féodal devant son seigneur suzerain, en toute fidélité et religieuse soumission.

Ces dieux et déesses qui, dans la planche de Diepenbach, contemplent Newcastle chevauchant à travers l’espace aérien sont une représentation allégorique des scènes qui se passèrent fréquemment pendant son exil. Comme l’équitation était sa seule distraction, il avait établi à Anvers un manège où il s’y livrait journellement ; mais il ne put conserver longtemps le huis-clos, et tout le haut monde des Pays-Bas, les exilés anglais de renom, les princes étrangers de passage, forcèrent ses portes, curieux de voir en selle l’homme qui avait dû à ses talens d’écuyer l’honneur d’être nommé gouverneur du futur Charles II, lequel passait pour excellent cavalier. Un jour, c’était le prince d’Oldenbourg et le prince d’Est-Frise qui présentaient à Newcastle des chevaux de leur pays ; un autre jour, la suite entière de don Juan d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas ; un autre le duc d’Ormond et le comte de Bristol, un autre encore le marquis de Caracusa, successeur de don Juan d’Autriche, ou même S. M. Charles II, qui, non content d’admirer son ex-gouverneur, voulait montrer à quel point il avait bien profité des leçons de son maître, et, pour ce faire, donnait à la noble assistance réunie dans le manège le spectacle des plus rares et plus difficiles tours d’adresse du cirque.

Rentré en Angleterre, Newcastle renonça à l’exercice quotidien du cheval, sur les instances de la duchesse, qui, ayant remarqué qu’il s’y échauffait trop, craignit pour cet adoré mari les fluxions de poitrine ou les bronchites qui pouvaient en être la conséquence. Il borna dès lors tous ses exercices à la seule escrime, art qu’il pratiquait, paraît-il, selon une méthode de son invention. Il semble qu’il fit quelque peu mystère de cette méthode, car il ne l’enseigna pas même à Charles II et n’en fit part qu’au duc de Buckingham de la restauration, dont il avait été le tuteur (le malicieux auteur de Rehearsal), et à ses deux fils. C’est tout ce que la duchesse nous dit à ce sujet ; mais Ben Jonson nous en apprend davantage. D’après la description qu’il nous fait de ce second talent de Newcastle, dans une petite pièce encore adressée à son patron, cette escrime ressemblait à son équitation, c’est-à-dire que l’adresse et l’agilité y dominaient. Un jeu brillant, rapide, pressant, visant plutôt à éviter l’adversaire et à le mettre hors d’état de nuire qu’à l’attaquer et à le détruire ; quelque chose d’irrésistible et de chevaleresque en même temps, où l’humanité trouvait son compte, et c’est cette qualité qu’exalte avec enthousiasme Ben Jonson, médiocre admirateur des spadassins et ferrailleurs.