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pas le courage ou la force d’aller ; — cet enseignement, quoique donné par le gouvernement qui est un parti, n’ayant rien, mettant toute sa vigilance à n’avoir rien d’un enseignement de parti ; recevant l’expresse recommandation de ne blesser aucune opinion, et, pour n’en blesser aucune, de ne toucher à aucune question actuelle et à aucun point en discussion ; — cet enseignement représentant plutôt l’État que le gouvernement, et, en tant qu’image, en quelque manière, et représentation de l’État, ayant, d’une part avec des pouvoirs populaires (maires, conseils communaux) des rapports définis, d’autre part avec les églises des espèces de concordats qui leur permettent de pénétrer en lui pour enseigner leurs doctrines, sans leur permettre de l’envahir ; — cet enseignement enfin, si mêlé qu’il soit à dessein, à la nation, si bien plongé qu’il soit en elle, sachant cependant qu’il trouvera toujours protection et défense du pouvoir, si ces relations si multiples et si délicates avec ce qui l’entoure avaient des difficultés et des heurts : voilà les lignes principales de cette loi de 1833 conçue dans l’esprit le plus généreux, le plus libéral, je dirai le plus optimiste, inspirée par une confiance dans le bon sens national et même populaire, que Guizot a été souvent loin d’avoir inspirée par un esprit de paix civile et religieuse, de tolérance et de liberté, qui fait le plus grand honneur à son auteur, œuvre, du reste, qui a duré, qui a prouvé par son succès le bon sens, la fermeté et la mesure de l’esprit qui l’avait conçue, et œuvre qui suffirait, à défaut de toute autre, à garder le nom de Guizot contre l’oubli.

Voilà ce que nous appelions la politique libérale de Guizot et de son parti. Elle a été grande et bonne, et nous avons vu, par la date de 1846, que, jusqu’à la fin, il n’a jamais songé à abandonner cette partie de sa tâche. Il a fini cependant par être presque absorbé par l’autre, par la politique de résistance, et la politique de résistance est restée ce qui le caractérise devant l’histoire.

Il y a à cela bien des raisons. Guizot représentait la politique du juste milieu précisément à l’époque de l’histoire contemporaine où le juste milieu était le plus difficile à trouver et à garder, et où il y avait le moins d’appuis et de soutiens dans le pays pour cette politique. Il est malaisé à un gouvernement issu d’une révolution de n’être pas dans l’extrême du laisser-aller ou dans l’extrême de la résistance. La révolution d’où il sort pèse sur lui et le force soit à suivre le mouvement, soit à montrer une extrême vigueur de réaction à n’y point céder. Ce qu’il a devant lui, c’est le droit révolutionnaire qui vient de renaître ou de se raviver dans une grande manifestation et un grand acte. Dès les premiers mois d’existence du gouvernement de juillet, Guizot a très heureusement et spirituellement défini cet état de choses. Il a dit : le