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gouvernement de juillet a son article 14. La charte de 1815 avait un article 14 qui, un peu indiscrètement interprété, annulait tous les autres, en permettant de les violer. Le gouvernement de juillet a son article 14. Il a sa charte, sa constitution, son établissement régulier et normal, voilà qui est bien. Et puis, il a en face de lui le droit populaire, le droit révolutionnaire, qui vient de s’exercer, qui prétend ne pas s’être épuisé en s’exerçant, qui a fait ou admis la charte de 1830, qui l’a acclamée et qui prétend tous les jours ne la tenir pour quelque chose qu’autant qu’il lui plaira. Charte octroyée par le roi, c’était 1815 ; charte octroyée par le peuple, on affirme que c’est 1830. Pouvoir antérieur et supérieur pesant sur la charte de 1815 et la menaçant et la ruinant à la menacer, c’était la restauration ; pouvoir antérieur et supérieur pesant sur la charte de 1830 et l’ébranlant sans cesse, c’est l’institution de juillet. Dans les deux cas, c’est donner et retenir, qui ne vaut, mais qui est une chose bien naturelle, celui qui prétend avoir donné croyant toujours avoir un droit de reprise sur le don.

C’était une difficulté, en effet, d’où il était bien vrai qu’on ne pouvait sortir que par une attitude de résistance beaucoup plus énergique que celle dont a besoin un gouvernement ancien et aux origines confuses et oubliées. Le « qui t’a fait roi ? » n’a d’importance et n’est même sérieux que dit à un roi de la veille. — A la vérité, au point de vue pratique, ce vice originel est un pur rien. Un gouvernement est un fait historique. Il puise sa légitimité dans le bien qu’il fait, dans le mérite qu’il montre, dans la manière dont il s’acquitte de sa tâche. Mais dans la discussion, dans les discours, dans les pamphlets et journaux, dans toute la matière oratoire, ce défaut originel a une importance extraordinaire, tant il est aliment facile et entretien copieux de raisonnemens et d’argumentations. D’où il suivrait qu’un gouvernement issu d’une révolution ne peut pas être un gouvernement de discussion. C’est la vérité, et les personnages qui font des coups d’état le savent parfaitement. C’est une preuve à l’appui de cette idée générale que les révolutions sont ce qu’il y a de plus impropre à fonder un régime libéral. Le gouvernement de juillet était donc condamné, comme tout autre à l’issue d’une révolution, à n’être pas un gouvernement de discussion. Mais, ce qui est à son grand honneur, il voulait l’être, et de là précisément naissait la difficulté, et de là naissait la nécessité pour lui, tout en étant un régime de discussion, d’être un régime très hérissé, très ferme et très « résistant. »

Ces choses, Guizot les avait vues dès le commencement, et, malgré son libéralisme, ne pouvait pas cesser de les voir. Il avait bien compris qu’étant donnée cette situation, ce qu’il fallait c’était, au milieu et comme au centre du régime de discussion, créer un